Antoine de NERVÈZE
(v. 1558-après 1622)
Dernier poème en ligne :
1605 : Je vous perds beaux cheveux…

Vous n’êtes qu’un enfant

à vous voir dans la bouche

 


 

Charles SOREL, 1628
Le Berger extravagant
Remarques sur le neuvième livre

[…] Ce nom de ga­li­ma­tias n’a point d’ori­gine cer­taine, et tou­te­fois l’on en use main­te­nant dans les plus sé­rieux livres pour signi­fier le lan­gage que je dis : mais le pre­mier qui a usé de ce mot est le Comé­dien Brus­cam­bille, qui l’a don­né pour titre à quel­ques-uns de ses Pro­logues qui ont été faits pour n’avoir point de sens, et depuis l’on l’a don­né à des dis­cours qui de véri­té ont bien été faits pour avoir du sens, mais qui n’en ont guère néan­moins. Ce langage est com­po­sé de diverses figures que la Rhé­to­rique des Latins ne com­prend point et pour les­quelles on ne peut trou­ver de noms chez les Grecs. Il y a des pointes et des contre­pointes sur les mots qui sont dou­blés en tant de diffé­rentes sortes que l’exemple seu­le­ment peut le faire com­prendre. L’on en trouve un peu dans le dis­cours de Jason, mais ce n’est rien qui ne voit les Amours de Ner­vèze, les Amours de Des Escu­teaux, Chry­saure et Phi­ni­mène, les Alarmes d’Amour, et tant d’autres livres qui ont été faits en un même temps ; car notez qu’il y a douze ans que nos Cour­ti­sans s’ima­gi­naient tous que ce lan­gage était le meil­leur du monde, tel­le­ment que les petits Secré­taires de la Cour s’en escri­maient à qui mieux mieux. La cor­rup­tion vint aussi jusqu’à la Poé­sie, qui n’en fut pas plus exempte que la Prose, et un Poète de ce temps-là écri­vait ainsi sur ce sujet à un autre de ses amis.

Poète dont lisant les vers je les admire,
Et mille fois le jour les lis, les admirant,
Chatouillant les esprits du plaisir de te lire,
Es-tu point chatouillé du plaisir qu’on y prend ?

Les retours de tes mots qui par se contredire
D’un son aigu se vont en pointe rencontrant,
Apprennent à ma main comme il faut bien écrire,
Et ma main leur écrit comme bien elle apprend.

Ô merveille du monde, et monde de merveille,
Grâce pareille au Ciel, en terre sans pareille ;
Esprit chéri des Dieux, et Dieu des beaux esprits,

Excellence du siècle, et siècle d’excellence,
Te louant de m’avoir montré cette science,
M’oserais-je louer d’avoir si bien appris ?

Voilà comme les mots fai­saient la cul­bute les uns par des­sus les autres dans la Poé­sie, et quelques-uns sem­blaient imi­ter les bri­coles des jeux de paume. […]

Charles SOREL,
Le Berger extravagant, troisième partie, 1628,
« Remarques sur le neuvième livre », pp. 444-445
[gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6566846p] [PDF_726_727].




Liens

Étude en ligne

* On peut lire, de Jean Paul Barbier-Mueller « Antoine de Nervèze (v. 1558- après 1622) : retour sur un dos­sier bio­gra­phique », un article paru dans la revue Seizième Siècle en ligne sur Persée.

Liens valides au 11/11/22.


 


En ligne le 28/02/18.
Dernière révision le 11/11/22.