Maurice SCÈVE
(v. 1500-v. 1560)
Dernier poème en ligne :
1544 : Fortune forte…

Plutôt seront Rhône, et Saône déjoints,

Que d’avec toi mon cœur se désassemble

 

 
L’abbé GOUJET, 1747
 

MAURICE SCÈVE.

Maurice Sève ou Scève, plus connu que Bro­deau[1], était, dit-on, de l’an­cienne Mai­son des Mar­quis de Sceva. Sa famille était venue du Piémont s’établir à Lyon avec quantité d’autres illustres familles étrangères. Maurice exer­ça à Lyon la pro­fes­sion d’Avo­cat, et fut Conseil­ler-Échevin de cette Ville. Le Promp­tuaire des Médailles, qui le place par­mi les illustres Lyon­nais, en parle comme d’un homme d’un rare mé­rite, qui s’était dis­tin­gué par une grande capa­ci­té, et qui avait sur­tout un talent sin­gu­lier à ima­gi­ner des Emblèmes, des Ins­crip­tions, des Devises, des Des­seins de Tro­phées et d’Arcs de triomphe ; en un mot tout ce qui fait l’âme des dé­co­ra­tions pu­bliques dans les ré­cep­tions des Princes, et dans les autres Fêtes de cette na­ture. Aussi eut-il la meil­leure part, pour tout ce qui dé­pend de l’in­ven­tion et de l’esprit, à la ma­gni­fique ré­cep­tion qui fut faite à Lyon au Roi Henri II et à la Reine Cathe­rine de Médi­cis sa femme, lorsqu’ils y firent so­len­nel­le­ment leur pre­mière en­trée en 1548. Maurice Scève en four­nit les des­seins, il fut char­gé d’en con­duire l’exé­cu­tion, et Claude de Tail­le­mont qui y eut part, n’y tra­vail­la que sous sa con­duite. La rela­tion de cette Fête a été im­pri­mée en 1549 in-8° à lyon ; et le père de Colo­nia en donne un abré­gé dans le tome second de son His­toire lit­té­raire de la même Ville.

Pendant le séjour que Clé­ment Marot fit à Lyon, et dont il se fé­li­cite en plu­sieurs en­droits de ses poé­sies, il recher­cha l’ami­tié de Mau­rice Scève, et méri­ta de l’ob­te­nir. Elle ne lui fut pas inu­tile. Marot trou­va dans cet ami gé­né­reux et éclai­ré, non seu­le­ment l’appui dont il avait be­soin dans les affaires dis­gra­cieuses qu’il s’atti­rait quel­que­fois, mais encore des avis et des lu­mières pour per­fec­tion­ner ses ou­vrages. On voit dans ses poé­sies des preuves bien mar­quées de l’in­time com­merce qu’il entre­te­nait avec Mau­rice Scève. Docile à ses avis, il ne re­fu­sa de les suivre que lors­que Mau­rice vou­lut l’en­ga­ger à se perfec­tion­ner dans la Mu­sique. Marot s’en excu­sa par cette jolie Épi­gramme qu’il lui en­voya :

En m’oyant chanter quelquefois,
Tu te plains qu’être je ne daigne
Musicien, et que ma voix
Mérite bien que l’on m’enseigne :
Voire, que la peine je prenne
D’apprendre Ut re mi fa sol la :
Que Diable veux-tu que j’apprenne ?
Je ne bois que trop sans cela.

Maurice avait lui-même beau­coup de goût pour la Mu­sique : et pour mieux dire, il en avait pour tous les arts et pour toutes les sciences. « C’était, dit La Croix-Du-Maine, un homme fort docte et fort bon Poète Fran­çais, grand re­cher­cheur de l’Anti­qui­té, doué d’un esprit émer­veil­lable, de grand ju­ge­ment et sin­gu­lière in­ven­tion. » Du Ver­dier ajoute qu’il était petit homme en sta­ture, mais du tout grand en sa­voir ; et vous ve­nez de voir que Sainte-Marthe dit la même chose[2]. Étienne Dolet n’en parle pas moins avan­ta­geu­se­ment en plu­sieurs en­droits de ses poé­sies Latines impri­mées à Lyon en 1538 in-4° et en plu­sieurs en­droits de ses Com­men­taires de la langue Latine.

Je connais de Maurice Scève deux Églogues, l’une inti­tu­lée Arion, l’autre qui porte pour titre la Saul­saie. […] Cette Églogue n’est pas mal ver­si­fiée, et l’on y trouve du sen­ti­ment. Elle a paru à Lyon en 1547 in-8° et a été réim­pri­mée dans la même Ville en 1549 sous le seul titre d’Éclogue de la vie soli­taire, dans le recueil inti­tu­lé, Livre de plu­sieurs pièces, que je vous ai déjà ci­té. Maurice Scève n’a pas mis son nom à cette Églogue, mais il s’est dési­gné par cette maxime qu’il avait adop­tée, souf­frir, non souf­frir.

[…]

L’abbé GOUJET,
Biblio­thèque fran­çaise,
ou His­toire de la Littéra­ture fran­çaise,
tome XI, 1747, pp. 442-446
[Gallica, NUMM-50654, PDF_491_495]
(texte modernisé).


________

Notes

[1] La « vie » de Maurice Scève succède dans la Bibliothèque de l’abbé Goujet à celle de Victor Brodeau.


[2] Dans la « vie » de Charles de Sainte-Marthe, qui pré­cède d’une « vie » celle de Maurice Scève, l’abbé Goujet écrit : « La plus impor­tante de toutes les pièces de Charles de Sainte Marthe, est son Élé­gie du Tem­pé de France, en l’hon­neur de Madame la Duchesse d’Étampes ; comme l’au­teur em­ploie une par­tie de cette pièce à faire connaître les Poètes qui avaient quelque répu­ta­tion, et qu’il y donne leur carac­tère, je me conten­te­rai de vous rap­por­ter ce qu’il dit sur ce sujet.
[…]
Puis Érato un Saint-Gelais maintient,
Qui sa partie avec les autres tient,
Chantant des sons de sa sonnante lyre,
Plaisants à tous, et utiles à lire.
Auprès duquel un Scève s’est assis,
Petit de corps, d’un grand esprit rassis,
Qui l’écoutant, malgré qu’il en ait, lie
Aux graves sons de sa douce Thalie. »





Liens

* Les trente émis­sions d’Une his­toire lan­ga­gière de la lit­té­ra­ture d’Hen­ri Van Lier (dif­fu­sées pour la pre­mière fois sur France Culture en 1989) peuvent être écou­tées sur une page du site anthro­po­ge­nie.com. La qua­trième de ces émis­sions est consa­crée à Maurice Scève et à Ron­sard, entre autres poètes du sei­zième siècle.

[liens valides au 02/11/20]


 


En ligne le 15/04/09.
Dernière révision le 02/11/20.