Marin  Le  Saulx 
 Le Préambule… 
Théanthropogamie
en forme de dialogue par sonnets chrétiens
 BnF Gallica, NUMM-71977 
Londres, Thomas Vautrolier,
1577
Pages limi­naires Sonnets 1 à 20 Sonnets 21 à 40 Sonnets 41 à 60 Sonnets 61 à 80 Sonnets 81 à 100
Sonnets 101 à 120 Sonnets 121 à 140 Sonnets 141 à 160 Sonnets 161 à 180 Sonnets 181 à 200 Sonnets 201 à 215
Sonnet liminaire et sonnets 1 à 20
texte modernisé

#  Ô Ciel, ô Mer, ô Terre enfants de l’Univers… [sonnet liminaire]

  1. Je veux chanter, ma lyre, et rechanter encore…
  3. Celui qui me retient prisonnière en son âme…
  5. Le péché paternel de son mortel poison…
  7. La tempête et l’effroi d’une cruelle guerre…
  9. La chair et le péché, la Loi avec l’Enfer…
11. L’Éternel Fils de Dieu régnant en Trinité…
13. Celui qui a uni par compas la lumière…
15. Comme d’un coup forcé la pierre en l’air poussée…
17. Me sentant emplumer des ailes de la Foi…
19. Ô ciel, ô mer, ô terre et ce que la rondeur…
  2. Je veux chanter tout haut sur ma lyre encordée…
  4. Celle qui me retient volontairement pris…
  6. Le péché paternel le meurtrier des humains…
  8. La tempête et l’horreur d’un combat effroyable…
10. La chair que le péché tenait sous soi captive…
12. L’Éternel qui se sied sur le luisant saphir…
14. Celui qui fait du vent son messager volant…
16. Comme l’oiseau royal qui d’œil posé regarde…
18. Me sentant pris aux rets de cette toute belle…
20. Ô ciel, ô mer, ô terre et cela spacieux…
 
 
 
 
 
 
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THÉAN­THRO­PO­GAMIE

EN FORME DE DIALOGUE
par sonnets chrétiens.
Composés,
PAR MARIN LE SAULX.

Ô Ciel, ô Mer, ô Terre enfants de l’Univers,
Qui sur ton cercle pur le char du Soleil guides,
Qui baignes les poissons sous tes ondes liquides,
Qui tapisses de fleurs les lieux les plus couverts,

Oyez retentir l’air au ton des Sacrés vers
De Christine éclatant dedans les prés humides,
Dans les bois ombrageux, dans les campagnes vides,
De son Christ, son époux, mille doux chants divers.

Ô terre, ô mer, ô Ciel qui le monde encourtines,
Oyez aussi de Christ les réponses divines,
Qui portent sur leurs vers Christine dans les cieux.

Christ est à sa Christine un sujet de bien dire,
Christine est à son Christ les cordes de sa lyre,
Qui animent ses vers d’un chanter gracieux.

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L’Église
 
Christ
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JE veux chanter, ma lyre, et rechanter encore,
Mariant le parler de ta corde à ma voix,
Celui-là qui du ciel au ciel donne les lois,
Sous qui courbent le chef, et vesper, et l’aurore :

Qui d’un Soleil éclaire, et le Scythe, et le Maure :
Qui l’Univers divers enferme entre ses doigts :
Qui porte pour devise écrit le Roi des Rois :
Celui que trois fois saint l’enceint du ciel adore :

Qui voit devant ses yeux une mer de cristal,
Qui couronne son chef du plus luisant métal,
Qui ternit la clarté du regard de sa face.

Qui se sied au milieu des sept chandeliers d’or,
Qui chevauche le feu, la nue et l’air encor,
Et de sang le sanglant de mes péchés efface.

JE veux chanter tout haut sur ma lyre encordée,
(Tout haut, voire si haut, que le monde univers
Puisse ouïr retentir de mes doux divins vers
Partout en un instant la chanson accordée)

Celle qui volant fuit la course débordée
Du fleuve impétueux, que le Dragon pervers
Vomit d’un gosier creux en mille lieux divers,
Pour noyer au courant sa perruque cordée.

Celle qui tient sous pieds de Phèbe le vermeil,
Qui entoure son corps du luisant du Soleil,
Qui couronne son chef de deux fois six étoiles :

Celle que le Dragon poursuit pour mettre à mort,
Celle que l’Aigle agile enlève dans son bord,
Dessus le char mouvant de ses deux grandes ailes.

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CElui qui me retient prisonnière en son âme,
Qui du profond d’Enfer au secret des hauts lieux,
Ravit malgré la mort, sur le char radieux
De ses belles beautés, mon âme qui se pâme,

Qui brûle mes esprits d’un brandon de sa flamme,
Qui pille de mes sens tout le pis et le mieux,
Quand il darde sur moi le rayon de ses yeux,
Qui les rochers du cœur et les marbres entame :

C’est cil qui a formé les cieux d’Astres remplis.
Qui a fondé la mer et ses divers replis :
Qui a bâti la terre et toute son enceinte,

Qui commande au Soleil, et le Soleil fait jour :
Qui appelle la nuit, et la nuit à son tour
Fait que de feux luisants toute la terre est ceinte.

CElle qui me retient volontairement pris
Dans le filet retors de sa céleste grâce,
Qui de sa tresse blonde attire et puis enlace
En sa libre prison tous mes divins esprits,

Et qui de ses deux yeux mes deux yeux a surpris,
Qui d’un gracieux ris tous mes ennuis efface,
Qui mire sa beauté dans le beau de ma face,
Qui le beau de son beau de ma beauté a pris :

C’est celle qui habite en la montagne sainte,
Qui d’un jour éternel est entourée et ceinte,
Ayant l’Agneau sacré pour son Soleil luisant :

Qui fait courber sous soi, et les Rois, et leur gloire :
Qui pille le profit de ma belle victoire,
Au sein de la Cité de fin or reluisant.

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Chute de l’homme.
 
 
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LE péché paternel de son mortel poison
Ayant empoisonné l’Auteur avec sa race,
Avait privé du ciel, de justice et de grâce
Ce vieil Adam pécheur et toute sa maison,

Quand le Christ Éternel en la juste saison,
Pour ouvrir aux humains du ciel voûté la trace,
Enferma le divin de sa divine face
Dedans l’obscurité de l’humaine prison :

Ainsi par sa prison nous avons ouverture
Du ciel fermé jadis à l’humaine nature,
Par le péché damneur qui engendre la mort.

Par sa nuit nous avons du jour la clarté blonde,
Et sa mort est la mort de notre mort seconde,
Qui brise des enfers cet imprenable fort.

LE péché paternel le meurtrier des humains,
Pourchassant pour meurtrir ma blanche colombelle,
Et souiller dans son sang sa blancheur nette et belle,
S’était accompagné de bourreaux inhumains,

Qui cruels étranglaient de leurs sanglantes mains,
Celle qui se courbait sous leur force bourrelle :
C’était l’enfer hideux, et la mort éternelle,
Qui armaient le péché contre les hommes vains.

Pour forcer le pouvoir d’un si horrible effort,
Je me suis enfermé aux prisons de la mort,
Et ma mort a rendu sa force faible et vaine :

J’ai noyé dans mon sang l’enfer et le péché,
Après m’être à la mort rudement attaché,
Un autre a fait le mal, et j’en porte la peine.

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Cause du salut de l’homme.
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LA tempête et l’effroi d’une cruelle guerre,
Je sens dedans mon cœur, foudroyer et tonner
Qui de peur, qui d’horreur, qui de crainte étonner
Cuide le frêle esprit de cette chair de terre.

La Loi qui d’un cordeau étroitement les serre,
Veut leur sang et leur vie à mort abandonner,
L’Évangile plus doux leur veut le ciel donner,
Qui cause dedans moi ce terrible tonnerre.

La Loi a le péché et le commandement,
Qui à grands coups de trait percent journellement,
Ma conscience, hélas ! qui d’elle se défie,

L’Évangile a le Christ, son mérite et son sang,
Qui blanchit mon péché dedans son rouge étang,
Ainsi la lettre occit, mais l’esprit vivifie.

LA tempête et l’horreur d’un combat effroyable
Agite par dedans mon cœur diversement,
Car la crainte et la foi se heurtent fièrement,
Et la vie et la mort d’un effort tout semblable.

La chair assaut l’esprit d’une force incroyable,
Qui cause dedans moi un tel étonnement,
Qu’il agite les sens de ma chair tellement,
Qu’il est à toute chair fors qu’à moi importable.

La Foi va poursuivant ce que la crainte fuit,
La vie aussi fuyant ce que la mort poursuit,
Et la chair craint la mort que mon esprit souhaite.

L’Amour force la chair, et la crainte, et la mort,
Lors la vie, et la Foi, et l’esprit le plus fort
Chantent à l’Éternel ta volonté soit faite.

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Christ matière du salut.
 
 
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LA chair et le péché, la Loi avec l’Enfer
Me chatouille, me point, m’épouvante, et me gêne
D’un désir, d’un remords, d’une horreur, d’une peine
Qui suit, qui fuit, qui craint, et qui peut étouffer

Péché, la Loi, la mort, la chair qui triompher
Pouvait sans le péché sur la Loi vide et vaine :
Le vil péché régnant arme la Loi qui traîne
La mort qui me meurtrit de son meurtrissant fer :

Mais Jésus chasse-mal, et péché l’infidèle,
Pour ma chair, en sa chair, de chair, sans chair rebelle
A désarmé la Loi de force et de vigueur,

Puis noyant dans son sang le meurtrier de ma vie,
Le péché qui mortel avait sur moi envie,
Il m’assure en domptant des enfers la rigueur.

LA chair que le péché tenait sous soi captive,
Le péché que la mort cruellement gênait,
La mort que l’enfer creux sous ses fers étreignait,
Et l’Enfer que ma mort dessous sa mort captive,

Régnaient, souillaient, tuaient, dévoraient toute vive
Christine que la Loi à mourir condamnait :
La chair en ses prisons l’esprit captif tenait,
Qui plaignait le malheur de la pauvre chétive,

Le péché plus cruel la justice chassait,
La mort tuait la vie, et l’Enfer menaçait
Le Ciel qui soulageait et sa perte et sa peine :

Mais ayant à la Loi pleinement satisfait,
La chair, péché, la mort et l’Enfer j’ai défait,
Portant Christine aux cieux de bonheur toute pleine.

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Le moyen du salut.
 
 
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L’Éternel Fils de Dieu régnant en Trinité,
Voyant du ciel çà-bas par une injuste envie,
L’Homme pécheur privé de salut et de vie,
Dont jadis il avait orné l’humanité,

Joignant la chair mortelle à sa divinité,
Fit qu’à la noire mort par force fut ravie
Cette chair, par sa chair, qui la chair vivifie,
Vêtant ainsi la mort de l’immortalité.

Ainsi Dieu éternel ta bonté coutumière
Fit naître de la nuit l’éclairante lumière,
Et du chaos confus l’ordre plaisant à voir :

Ainsi, Dieu éternel, ta Déité sans vice
Peut tirer la vertu du sein de l’injustice,
Éternisant ainsi le haut de ton pouvoir.

L’Éternel qui se sied sur le luisant saphir,
Qui d’hasmal éclairant tout son corps environne,
Qui la terre, et la mer, et les hauts cieux étonne,
Quand du son de sa voix il fait l’air retentir :

Qui aux choses sans sens fait vivement sentir
De son foudre l’éclat, qui gronde, bruit, et tonne,
Qui de la mer bruyante, et du vent qui résonne,
Peut la force forcer et la course alentir :

Voyant ployer le chef à ma chère Christine,
Sous la mort et l’enfer : Sa majesté divine
M’envoya du haut ciel en ces terrestres lieux,

Où ayant par ma mort meurtri la mort cruelle,
Et fracassé d’Enfer la puissance bourrelle,
Je portai sur ma chair Christine dans les cieux.

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sonne  14 

CElui qui a uni par compas la lumière
Avec l’obscurité, qui joint la noire nuit,
Et l’aurore du jour, avecques la mi-nuit,
L’Humide avec le sec, et la chaleur première

Avec le froid piquant, dont la main ménagère
Resserre en même lieu le silence et le bruit,
Qui l’Été, qui l’Automne, et qui l’Hiver conduit,
Pour unir avec eux la saison Printanière,

Voyant l’homme du ciel par son péché forclos,
Aux prisons de la mort étroitement enclos,
Courber sous le fardeau d’une mort éternelle,

Pour rendre à l’homme mort le fruit d’éternité,
A uni notre chair à sa divinité,
Qui le fait vivre au ciel d’une vie immortelle.

CElui qui fait du vent son messager volant,
Et son char triomphant de la légère nue,
De qui parmi le ciel la trace est inconnue,
Tant est son mouvement légèrement coulant,

De qui la voix ressemble un tonnerre roulant,
Qui rend la large mer de poissons vide et nue,
Et qui la terre aussi de son émail dénue,
Par l’ardeur de son feu éclairant et brûlant.

Voyant du ciel çà-bas ma Christine pudique,
Ployer son dos courbé sous l’effort tyrannique,
De la mort qui sa vie en ses prisons gênait,

À sa mort opposa une vie éternelle,
Et à sa vie aussi une mort corporelle,
Qui rompirent le nœud qui si fort l’étreignait.

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sonne  16 

COmme d’un coup forcé la pierre en l’air poussée
Contre son naturel, d’un vol audacieux
S’efforce en fendant l’air, de pénétrer les cieux,
Sur les ailes du bras qui si haut l’a lancée,

Mais de sa pesanteur la charge courroucée
De se voir éloigner si loin de ces bas lieux,
S’opposant puissamment d’un effort envieux
Fait que du haut en bas la pierre est repoussée,

Ainsi de cette chair la lourde gravité,
S’efforce de voler vers la divinité,
Ailée aux deux côtés des œuvres d’arrogance,

Mais le péché pesant qui haut ne peut voler,
Fait par sa pesanteur aux enfers dévaler
Celle qui s’appuyait de vaine confiance.

COmme l’oiseau royal qui d’œil posé regarde
L’Astre qui dessus nous reluit seul à son tour,
En rouant parmi l’air d’un long et long détour
Se trace voie au ciel de son aile fuyarde,

Banni qu’il a du nid cette troupe bâtarde,
Qui ne peut regarder du clair Soleil le jour,
Retrace encor le ciel d’un plus léger retour,
Portant dessus son dos sa nichée mignarde :

Ainsi ayant banni de mon sein gracieux
Celui qui aveuglé du péché vicieux
Ne peut porter l’éclair de ma vive chandelle,

Je porte dans le ciel cil qui de mon Soleil
Peut des yeux de la Foi regarder le vermeil,
Hors de l’obscurité de la mort infidèle.

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sonne  17 
sonne  18 

ME sentant emplumer des ailes de la Foi,
Je vole dans le ciel, d’une course plus vite,
Que l’aigle au bec courbé de son aile subite
Ne suit en l’air l’oiseau qu’il voit fuir devant soi.

Mais sentant le fardeau de l’importable Loi,
Me charger sur le dos de mes péchés l’élite,
Je descends aux Enfers dix mille fois plus vite,
Que je ne puis gravir au trône de mon Roi.

La Foi me fait goûter des hauts cieux la douceur,
La Loi me fait sentir des Enfers la rigueur,
À cause du péché qui ma chair mortifie :

La Foi veut que je vive en l’Éternel séjour,
La Loi veut que je meure aux Enfers sans secours,
Ainsi la Loi condamne, et la Foi justifie.

ME sentant pris aux rets de cette toute belle,
Qui surpasse le beau de toute autre beauté,
Et qui plus est encor, de qui la loyauté
De toute loyauté la loyauté excelle,

Je sens d’un feu brûlant une vive étincelle,
Qui me faisant sentir sa fière cruauté,
Me fait porter le mal de la déloyauté
De ceux qui vont courant après cette pucelle.

Celle qui ne poursuit que mon bien et bonheur,
Reçoit tout son plaisir de ma triste douleur.
Et sa vie en ma mort est vivement empreinte :

Son malheur sans pitié me pourchasse la mort,
Mais sa douceur condamne, et son mal, et son tort,
Qui cause la douleur dont mon âme est atteinte.

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Naissance de Christ.
 
 
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sonne  20 

Ô Ciel, ô mer, ô terre et ce que la rondeur
Du monde tout entier en ses pans enmantelle,
Et ce qui est plus haut en la vie immortelle,
Qui ceint d’un plus grand tour du monde la grandeur,

Laissez le ciel son haut, la mer sa profondeur,
Son rond centre la terre, et la bonne nouvelle
Écoutez bruire en l’air, une sainte Pucelle
A enfanté le Christ du monde la splendeur.

Celle qui l’a pour fils l’a aussi bien pour père,
Elle est d’un même Christ et la fille et la mère,
Et d’elle l’Éternel est homme nouveau né :

De ma fille le fils est mon père propice,
Mon frère, et mon époux qui vêt mon injustice,
Et damne de péché le péché condamné.

Ô Ciel, ô mer, ô terre et cela spacieux
Que le cercle dernier de la ronde encyclie,
Dedans ses bras courbés reçoit, embrasse et lie,
Voire et tous ces flambards qui éclairent aux cieux,

Voyez dans la cité de fin or précieux,
Celle à qui l’Éternel son fils unique allie,
L’Épouse de l’Agneau, qui chastement jolie
Attire à soi l’époux d’un regard de ses yeux.

Plus que l’Aube du jour elle est vermeille et blonde,
Elle a dessous ses pieds la Lune toute ronde,
Et douze astres luisants couronnent sa grandeur,

Son beau jour éternel ne craint point la nuit noire,
Qui fait voûter sous soi les Gentils et leur gloire,
Et aux Princes sceptrés redouter son bonheur.

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En ligne le 09/10/05.
Dernière révision le 26/08/21.