Le Préambule...
MARIN  LE  SAULX




Théanthropogamie
en forme de dialogue par sonnets chrétiens





Londres, Thomas Vautrolier
1577

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Sonnets 201 à 215
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209. Éternel qui te sieds sur la plage éthérée...
210. Sauveur de l'Univers, Père du firmament...
211. Esprit consolateur, soutien de ce grand Tout...
212. Essence unique et simple, ô Dieu en Trinité !...
213. Puisque tu as sué sous la peine du jour...
214. Je sens un feu brûlant au fond de ma poitrine...
215. Réjouis-toi ma chair qui n'as rien de charnel...












 
Christine parle : Dernier jugement de Christ.  
 
 Christ répond

 SONNET 201 
  LE Prince & Roi de paix sur un grand trône blanc,
  Devant lequel s'enfuit, et le ciel, et la terre,
  Ayant vaincu la Loi qui me faisait la guerre,
  Et noyé mon péché dans le lac de son sang,
      Par les hérauts du Ciel fit appeler de rang,
  Et la Mort, et l'Enfer, qui les pécheurs enferre,
  Lesquels avec leurs morts d'un éclat de tonnerre
  Furent précipités au soufre de l'étang.
      Mais mes fils qui étaient écrits au Sacré livre :
  Furent portés au Ciel de mort franc et délivre,
  Pour jouir à jamais de l'immortalité.
      Là le Christ mon époux de sa fontaine vive,
  Leur esprit immortel lave, abreuve, et avive,
  Qui heureux et content vit dans l'Éternité.

 
 SONNET 202
  LA Princesse qui tient sous soi la Lune blonde,
  Qui du Soleil luisant entoure tout son corps,
  Qui porte sur son chef, au lieu d'un chapeau tors,
  De douze astres luisants une couronne ronde,
      Voyant le Christ assis, et juge, et Dieu du monde,
  Par les hérauts du ciel fit assembler ses morts,
  De blanc crêpe vêtus, qui de leurs doux accords
  Faisaient une musique à nulle autre seconde :
      Lors le Christ connaissant sa géniture chère,
  Embrassa doucement, et les fils, et la mère,
  Et grava sur leur front de son nom la grandeur :
      Puis il les fit entrer au secret de son temple,
  Où chacun vis à vis ores son Dieu contemple,
  Remplis jusques aux yeux de biens et de bonheur.

texte original
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 Christine parle


 Christ répond


 SONNET 203
  REnds-toi péché mortel, car mon Christ ma jus-
  Pour mon vice sanglant au juge a satisfait :   [tice,
  Rends-toi mortelle mort, Christ ma vie a défait
  Ton pouvoir seul vengeur de ma propre injustice.
      Rends-toi hideux Enfer, bourreau de ma malice,
  Car Christ des cieux venu pour purger mon méfait,
  Me donne place aux cieux. Rends-toi serpent infect,
  Le Lion de Juda m'a rendu Dieu propice.
      Qui sont ces monstres-là horriblement hideux,
  Qui liés pieds et poings, dolentement piteux
  Marchent après le char de ce Roi vénérable ?
      Ce sont les ennemis que Christ a surmontés,
  Et leurs sanglants efforts à son vouloir domptés,
  Qu'il traîne après son char en triomphe honorable.

 
 SONNET 204
  REnds-toi à la merci de ce doux amoureux,
  Qui poursuit ta beauté, ô blanche colombelle !
  Rends-toi à sa merci, ô chaste toute belle !
  Si jouiras à gré de son Ciel très heureux :
      Si cueilleras pour toi en son Jardin fleureux,
  L'aspic, et le safran, le baume et la cannelle,
  Si jouiras des biens de sa gloire éternelle,
  Suçant des immortels le Nectar savoureux.
      Si rempliras encor tant que sois assouvie,
  Ton estomac béant de ce doux fruit de vie,
  Qui croît au Paradis sur le cristal des eaux.
      Il t'appelle en commun pour jouir de sa gloire,
  Il réserve pour toi le fruit de sa victoire,
  Viens belle, viens puiser au bord de ses ruisseaux.

texte original
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Christine parle

 Christ répond


 SONNET 205
  LA raison me défaut, quand la raison je sonde
  De l'abîme profond des ouvrages divers,
  De celui qui du doigt fait branler l'Univers,
  Et de rien a bâti ce long et large monde.
      La raison me défaut, quand la raison profonde
  Je cherche par raison de ses secrets couverts,
  Et de ses jugements qui mettent à l'envers
  De l'humaine raison la raison plus féconde.
      La raison me défaut, quand par raison humaine
  Je recherche pourquoi la bonté souveraine,
  A de péché guéri de péché la poison,
      Et pourquoi sur sa chair il a ma chair mortelle,
  Par la mort élevée en la vie immortelle,
  La Foi seule en mon Dieu est ma seule raison.

 
 SONNET 206
  LA raison de la chair, de l'esprit ennemie,
  Ne peut par sa raison comprendre l'infini,
  De cil qui a formé tout ce qui est fini,
  Au gré de sa sagesse en sa force affermie.
      Si la raison pouvait dedans l'Académie
  De son sens concevoir celui qui est uni
  En Trinité vrai Dieu, de son cercle infini
  La parfaite rondeur ne serait que demie.
      Si la raison pouvait par son sens concevoir
  Ce secret que les cieux n'ont pu apercevoir,
  Qui joint ma Déité à une chair de cendre,
      Ce secret ennemi de l'humaine raison,
  Serait connu de tous, et en toute saison,
  Mais la Foi seule en Dieu peut ce secret comprendre.

texte original
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 Christine parle


 
Christ répond

 SONNET 207
  TIre-moi après toi au céleste séjour,
  Porte-moi sur le char de ta chair immortelle,
  Doux ami, où le clair de ta vive étincelle
  Fait sans aucun minuit le midi d'un plein jour.
      Tire-moi sur ce mont qui découle à l'entour,
  Le doux miel regorgeant d'une source éternelle,
  Et le blanc lait coulant d'une façon nouvelle,
  Qui cerne tout ce mont d'un large et long détour.
      Ce mont donne lavande, aspic, safran et lis,
  Thym, roses et œillets tout fraîchement cueillis,
  Et couronne son chef de mille autres fleurettes,
     Portant sur son coupeau douze beaux arbres verts,
  Qui courbent sous le faix de mille fruits divers,
  Qui servent d'Ambroisie aux fils de tes Prophètes.

 
 SONNET 208
  TIre du côté droit au haut de la montagne,
  Le chemin est étroit, sueux et gourd-foulant,
  Emprunte de la Foi le chariot volant,
  Prends l'Espérance encor pour fidèle compagne,
      Tu trouveras au haut une pleine campagne,
  Qui franche de l'horreur du tonnerre grondant,
  De l'orage mutin, et de l'éclair brillant,
  Produit œillets et lis que le clair cristal baigne,
      Enfonce hardiment les portes du palais,
  Vois comme tout reluit de Rubis et Balais,
  Tous ces biens sont à toi, car l'Époux te les donne.
      Marche deux pas encor dedans l'Éternité,
  Goûte le doux Nectar de l'immortalité,
  Malgré la noire mort, puisque ton Christ l'ordonne.

texte original
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 Christine parle : Prière de l'Église au Père.

 Christine encore : 
Au Fils.

 SONNET 209
  ÉTernel qui te sieds sur la plage éthérée,
  Qui remplis terre et ciel de ton infinité,
  Qui engloutis les temps par ton éternité,
  Qui enclos en ton poing cette sphère azurée :
      Éternité qui n'es par l'âge mesurée,
  Tout bon, tout saint, tout pur, Père en la Trinité,
  Qui ne détruit pourtant ta divine unité,
  Père, source et surgeon de gloire bien-heurée,
      Qui de toute action es principe et auteur,
  Et de tout ce grand tout tout-puissant créateur,
  Invisible, immortel et incompréhensible,
      Œillade cette fois l'Épouse de ton Fils,
  Et rends ses ennemis sous elle déconfits,
  D'un seul branler du doigt puisque tout t'est possible.
 
 SONNET 210
  SAuveur de l'Univers, Père du firmament,
  Fils éternel de Dieu, parole essentielle,
  Qui as l'être du Père, et qui es éternelle,
  Seul du Père engendré dès le commencement,
      Qui étais chez le Père avant que l'élément
  De l'air cernât en rond la terre universelle,
  Qui as formé la claire et luisante étincelle
  Qui est du jour fuyard le luisant ornement,
      Ô divine bonté ! ô sage sapience !
  Qui est d'avant les temps en l'Éternelle essence,
  Fils, parole et portrait du Père souverain,
      Jette les yeux vers moi ton humble tourterelle,
  Meurtris du roux Dragon la puissance mortelle,
  Et m'enlève avec toi dedans ton Ciel serein.

texte original
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 Christine encore : Au Saint-Esprit.

 Christine encore :
À la Trinité.

 SONNET 211
  ESprit consolateur, soutien de ce grand Tout,
  Qui rechaussais au sein de la masse confuse,
  La forme que donnas par ta vertu infuse,
  Au monde avant qu'il fût poli de bout en bout,
      Esprit qui son esprit retiens toujours debout,
  Esprit de qui la force agiter ne refuse
  Le mouvement total, du tout que le temps use,
  Et qui son corruptible ainsi en rien résout :
      Vertu, Force et Vigueur, et du Fils et du Père,
  Procédant de tous Deux, dont la vertu tempère
  Le long et large tour de ce rond Univers,
      Agite par dedans les esprits de mon âme,
  Brûle du corps massif le mortel de ta flamme,
  Et me fais voir mon Christ dedans tes cieux ouverts.

 
 SONNET 212
  ESsence unique et simple, ô Dieu en Trinité ! [fable,
  Tout bon, tout saint, tout pur, tout grand, tout inef-
  Tout puissant éternel à qui nul n'est semblable,
  Père, parole, esprit, ô triple en unité !
      Un en trois, trois en un, unique éternité,
  Créateur souverain du grand tout admirable,
  Qui comprends Ciel et terre, et la mer navigable
  D'un point du cercle entier de ton infinité :
      Essence en qui le Père, et le Fils, et l'Esprit,
  Distinctement unis, guide, conduit, régit
  De ce globe poli la masse universelle :
      Immortel, infini, Éternel Dieu par soi,
  Du monde passager l'inviolable Loi,
  Guide-moi sur ton char en ta gloire immortelle.

texte original
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Réponse de Dieu à l'Église.

 
Christine parle : Action de grâces de l'Église.

 SONNET 213
  PUisque tu as sué sous la peine du jour,
  Puisque tu as senti le frais de la nuit brune,
  Que sur le char mouvant de la Foi importune
  Tu as atteint le haut du céleste séjour :
      Cerne d'un pas léger ce mont tout à l'entour,
  Vois la grande cité aux fidèles commune,
  Qui ne truande point sa clarté de la Lune,
  Et n'attend du Soleil le désiré retour :
      Viens cueillir fleurs et fruits dessous l'arbre de vie,
  Et puis bois à longs traits, tant que sois assouvie,
  De ce cristal coulant du trône de l'Agneau :
      Contemple maintenant ton Seigneur face à face,
  Jouis avecques lui des trésors de sa grâce,
  Et reçois de sa main cet immortel chapeau.

 
 SONNET 214
  JE sens un feu brûlant au fond de ma poitrine,
  Qui a pris peu à peu une telle vigueur
  Dans mon cœur embrasé, que sa douce rigueur
  Me transforme en son feu par son ardeur divine.
      Je ne suis rien que feu, qui de sa flamme fine
  A du tout affiné le métal de mon cœur,
  Qui d'enfer, qui de mort, qui de péché vainqueur
  Règne heureux et content sur la ronde machine.
      Ce feu vraiment divin, de son ardeur nouvelle
  Embrase le plus froid de mon âme immortelle,
  Qui hors de soi ravie en l'Éternel séjour,    [bruire
      Ne peut plus maintenant penser, chanter ni
  Que ce grand Dieu vivant, que grand je puis bien
  S'il entoure du poing le monde tout autour.   [dire,

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 Christine parle


 


 SONNET 215
  RÉjouis-toi ma chair qui n'as rien de charnel,
  Car tu vis maintenant d'une immortelle vie.
  Mon âme éjouis-toi, sois saintement ravie
  Hors de toi à celui qui seul est éternel.
      Jouez divinement d'un ton perpétuel
  Cent-mille doux accords de plus douce harmonie,
  Que le luc et la harpe à la voix l'on marie,
  Faites retentir l'air du nom de l'immortel.
      Tu es principe et fin de toute chose née,
  Et ton âge n'est point d'aucune âge bornée,
  Tu as fondé sur rien tout ce grand univers.
      Tu as ployé sous moi toute force contraire,
  Je règne ainsi par toi sans aucun adversaire :
  Tu seras pour jamais le sujet de mes vers.

 






F I N .
 

texte original
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