Marin  Le  Saulx 
 Le Préambule… 
Théanthropogamie
en forme de dialogue par sonnets chrétiens
 BnF Gallica, NUMM-71977 
Londres, Thomas Vautrolier,
1577
Pages limi­naires Sonnets 1 à 20 Sonnets 21 à 40 Sonnets 41 à 60 Sonnets 61 à 80 Sonnets 81 à 100
Sonnets 101 à 120 Sonnets 121 à 140 Sonnets 141 à 160 Sonnets 161 à 180 Sonnets 181 à 200 Sonnets 201 à 215
Sonnets 21 à 40
texte modernisé
21. C’était en plein minuit que la terre féconde…
23. C’est la première nuit qui ait vu le Soleil…
25. Heureuse mille fois et mille la pucelle…
27. Qui peut en son esprit comprendre entièrement…
29. Tout ce que le ciel a d’heur, de faveur, de grâce…
31. Les cieux étaient remplis de clarté pure et blanche…
33. D’où vient qu’en cette nuit le ciel de toutes parts…
35. Quand des yeux de la chair je vois à la renverse…
37. Dans le ciel éclairait une lampe nouvelle…
39. Ô Sainte mille fois ! sainte nativité…
22. C’était en pleine nuit, alors que le Soleil…
24. C’est la première nuit plus belle que le jour…
26. Heureuse mille fois, et mille, et mille encore…
28. Qui peut représenter, ou en marbre, ou en cuivre…
30. Tout ce que le ciel a de saint, de beau, de riche…
32. Les cieux étaient remplis de clarté blanche et belle…
34. D’où vient que du grand ciel la sainte fille unique…
36. Quand je vois de Hermon descendre vers la plaine…
38. Dans le ciel éclairait une blanche lumière…
40. Ô divine beauté ! qu’une divine grâce…
 
 
 
 
 
sonne  21 
sonne  22 

C’Était en plein minuit que la terre féconde
De son ombre empêchait, cette lampe des cieux,
D’éclairer les humains de son jour gracieux,
Qu’une Vierge enfanta le grand Soleil du monde.

Ce Soleil qui vermeil le ciel, la terre, et l’onde
Perce tout au travers de son jour radieux,
Qui d’un jour éternel illumine nos yeux,
Faisant d’un Printemps rond la saison toute ronde.

Alors on pouvait voir parmi le ciel épars,
Cent mille et mille feux, et cent mille flambards,
Qui de cent et cent jours égalaient la lumière :

Lors on pouvait ouïr les Anges immortels,
Chantant gloire aux lieux hauts, paix aux hommes mortels
Sur qui Dieu déployait sa bonté singulière.

C’Était en pleine nuit, alors que le Soleil
Plongeait ses beaux cheveux dans l’Océan liquide,
Et que Phèbe allumait son clair flambard qui guide
La nuit, qui sur son char rapporte le sommeil,

Que celle qui au teint a le teint tout pareil
De l’étoile du jour, ou de la Lune humide,
Rôdant par la cité de clarté toute vide,
Cherchait Christ son époux des beaux le nonpareil.

Ayant trouvé Jésus le salut de son âme,
Qui la brûle pourtant d’un brandon de sa flamme,
Qui de son feu rallume en lui un autre feu,

Des saints bras de la Foi elle l’étreint et presse,
Et d’un cœur tout dévot humblement le caresse,
Tant qu’elle ait du Soleil le beau jour aperçu.

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sonne  23 
sonne  24 

C’Est la première nuit qui ait vu le Soleil
Blanchir son voile noir, de sa blonde lumière,
Je puis dire à bon droit que c’est la nuit première
Qui ait fait d’un minuit un midi nonpareil :

Ô bienheureuse nuit ! qui de ton clair vermeil
Égales d’un plein jour la clarté tout entière,
Tu sois sans nuit, toujours d’un beau jour héritière,
Puisque Phébus sur toi ainsi doux jette l’œil.

Cette nuit soit toujours et claire et blanche et belle,
Franche d’ennui, d’horreur et de triste nouvelle,
Qui nous fait voir à l’œil un Soleil si très-clair :

Que cette nuit sans nuit puisse accroître le nombre
Des autres jours de l’an, cette nuit soit sans ombre,
Et éclaire toujours d’un éternel éclair.

C’Est la première nuit plus belle que le jour,
La nuit qui est sans nuit de noirceur vide et franche,
La nuit qui a d’un jour la clarté pure et blanche,
Montrant du beau Soleil le céleste séjour,

La nuit qui t’a fait voir le désiré retour,
De l’astre qui de mort les ténèbres retranche,
Qui du ciel dans ton sein œillets et lis épanche,
Et comme l’autre encor ne luit point tour à tour.

Ô nuit ! tu sois sans nuit toujours vermeille et claire,
Puisqu’en toi ce Soleil de ses rayons éclaire,
Et fait sa face blonde à Phèbe apercevoir,

Ô nuit tu sois toujours des autres la première,
Puisque tu lui fais voir du Soleil la lumière,
Qui lui fait sur les cieux sa divinité voir.

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sonne  25 
sonne  26 

HEureuse mille fois et mille la pucelle,
Qui sans perdre le nom de sa virginité,
De son vierge tétin nourrit l’humanité
De cil qui fils de Dieu, et de l’homme s’appelle.

Heureuse mille fois cette vierge mamelle,
Qui allaite le fils de la Divinité,
Qui est Dieu éternel, régnant en Trinité,
Franc de la noire mort en la vie éternelle.

Heureuse mille fois celle qui a conçu,
Celui que par la Foi elle a pour Christ reçu,
Espérant par sa mort le loyer de sa vie.

Heureuse pour avoir appréhendé par Foi,
Celui qui la pouvait délivrer de la Loi,
Qui poursuit notre chair d’une immortelle envie.

HEureuse mille fois, et mille, et mille encore,
Heureuse à tout jamais d’un heur non mérité,
Celle qui a l’époux, le Christ, la vérité,
Le Saint, le Roi, le Dieu que tout le ciel adore :

Heureuse mille fois celle qui ore, et ore,
Lève le sceptre Saint de son autorité,
Sur le monde univers, pour avoir hérité
Du Christ qui par sa mort la noire mort dévore.

Heureuse encor un coup, ô chaste colombelle !
Puisqu’au gré de l’époux tu es chastement belle,
Et qu’il brûle au dedans du feu de tes amours.

Pucelles de Sion voyez sa belle face,
Tout ce qu’elle a de beau ne vient que de ma grâce,
Qui la fait vivre au ciel franche d’ans et de jours.

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sonne  27 
sonne  28 

QUi peut en son esprit comprendre entièrement,
Cette variété de tant, et tant de choses,
Au sein de la nature étroitement encloses,
Et connaître leur force et vertu pleinement :

Qui peut nombrer les feux de tout le firmament,
Et les champêtres fleurs sur un Printemps décloses,
Qui des lis, des œillets, des romarins, des roses
Peut le nombre nombrer dès le commencement :

Qui peut nombrer encor dans la mer orgueilleuse
Des peuples écaillés cette troupe nombreuse,
Et sonder de son doigt les abîmes profonds,

Un tel peut le secret de ce secret comprendre,
Qui joint la Déité à notre chair de cendre,
Et à l’homme fini l’Éternité sans fond.

QUi peut représenter, ou en marbre, ou en cuivre,
Ou dans l’airain sonnant l’image de la voix,
Et nombrer du futur les jours, les ans, les mois,
Et des vieux troncs séchés le vert faire revivre,

Qui peut rouler le ciel comme un feuillet d’un livre,
Qui peut brider la mer, et aux vents donner lois,
Qui peut le feu peser au juste contrepoids
De l’air toujours mouvant de pesanteur délivre,

Qui peut sonder du cœur les abîmes profonds,
Et du doigt mesurer l’éternité sans fond,
Enfermant dans son poing la grandeur de sa gloire,

Cestui-là peut graver, et peut nombrer encor,
Des beautés, et bontés le beau riche trésor,
De celle qui triomphe au sein de ma victoire.

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sonne  29 
sonne  30 

TOut ce que le ciel a d’heur, de faveur, de grâce,
Fut alors déployé aux yeux de l’univers,
Et le Père éternel de ses trésors ouverts
Épancha tout le mieux sur cette terre basse,

Quand ce divin Soleil qui le soleil efface,
Par la vive splendeur de ses rayons divers,
Laissa, sans délaisser, les cieux d’Astres couverts,
Pour venir sans venir, en terre prendre place.

Alors l’aube du jour fourrière du Soleil,
Qui derrière un vieux tronc cachait son clair vermeil,
Déploya sa beauté aux yeux de tout le monde,

Puis le jour commençant chassa la noire nuit,
Et un midi luisant fit d’un sombre minuit,
Qui luit encor toujours sur cette terre ronde.

TOut ce que le ciel a de saint, de beau, de riche,
De grand, de pur, de net, d’exquis et précieux,
Fut alors déployé en ces terrestres lieux,
Par le Père éternel de sa dextre non chiche,

Quand il voulut former ma colombe qui niche,
Pond, et couve, et éclot dans mon sein précieux,
Mille et mille colombs voletant vers les cieux,
Sur les ailes des biens qu’à leurs côtés je fiche.

Ma colombe est plus belle, et plus pure, etnaïve,
Que n’était celle-là qui le rameau d’olive
Apporta dans son bec au bon père Noé :

Cette colombe-là avait de paix le signe,
Ma colombe a de fait la même paix divine,
Car ma paix est sa paix, et son bien alloué.

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sonne  31 
sonne  32 

LEs cieux étaient remplis de clarté pure et blanche,
Qui faisaient un plein jour dans l’obscur d’un minuit
Et le silence doux fuyait un plus doux bruit,
Que les anges faisaient de leur voix nette et franche,

Quand le ciel qui courbé mille trésors épanche
Sur nous pauvres humains éclaira notre nuit
D’un éternel Soleil, qui si vivement luit,
Que les abîmes noirs de ses rayons il tranche.

Ce Soleil sans mouvoir de ses rayons épars
Fait en un même instant le jour de toutes parts,
Et ne cache jamais sa clarté dessous l’onde.

Mais d’où vient que Phébus tournant en sa rondeur,
De ce Soleil naissant redoutait la splendeur ?
Pour montrer qu’il est seul la lumière du monde.

LEs cieux étaient remplis de clarté blanche et belle,
Qui de son jour chassait tout autre jour luisant,
Voire le clair très-clair du Soleil reluisant
Au plus haut de son tour en la saison nouvelle,

Alors que du haut ciel notre Phèbe immortelle,
Remplit son rond tout pur d’un beau clair conduisant
Le sombre de sa nuit, au jour d’un jour plaisant
Que l’Éternel Phébus de soi engendre en elle.

De cette Phèbe-là le cercle radieux
Est plus haut élevé que le dernier des cieux,
Et éclaire en plein jour sa clarté blanche et pure :

Son rond qui toujours rond entretient sa rondeur
Dedans le ciel voûté d’une même grandeur,
Chasse par sa clarté de mort la nuit obscure.

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sonne  33 
sonne  34 

D’Où vient qu’en cette nuit le ciel de toutes parts,
Reluit d’une clarté, dont le beau lustre efface
La plus belle beauté du plus beau jour que fasse
Le Soleil en Cancer, de ses rayons épars ?

C’est d’autant que du ciel en ses terrestres parcs
Le Soleil de justice est venu prendre place :
Le peuple qui marchait dessous la noire face
D’une éternelle nuit, voit ses luisants flambards.

D’où vient qu’on oit en l’air une voix angélique,
Excellant la douceur de toute autre musique ?
Le vrai Dieu en son Fils parle aux hommes menteurs.

Pourquoi vers Béthléem cette troupe champêtre
De pasteurs va courant, laissant ses troupeaux paître ?
En ce lieu-là est né le Pasteur des Pasteurs.

D’Où vient que du grand ciel la sainte fille unique,
Cette épouse de Christ, qui commande aux enfers,
Et étend son pouvoir par tout cet univers,
Courbe en terre le chef sous une force inique ?

C’est d’autant que de Christ le règne catholique,
Qui épand son pouvoir sur le large travers
Du ciel, et de la mer, et du monde pervers,
N’est du monde pourtant, il est Évangélique.

Que ne dompt’elle donc ses puissants ennemis,
Du glaive que son Christ en la main lui a mis ?
Son armure est du ciel totalement céleste.

Que n’apais’elle au moins ces haineux indomptables
Sans laisser pour toujours ses enfants misérables ?
Le fort de leur effort sa force manifeste.

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sonne  35 
sonne  36 

QUand des yeux de la chair je vois à la renverse
Un enfant en la crèche où l’on pose le foin,
Que la faveur du ciel œillade de bien loin,
Et de là sur son chef mille ennuis pleut et verse :

Quand je vois cet enfant fuir à la traverse,
En l’obscur de la nuit, d’un effroyable soin,
Ce Tyran qui le dût aider à son besoin,
Je me sens agiter d’une frayeur diverse.

Mais quand devers le ciel d’une aile plus agile,
Je vole sur la Foi du céleste Évangile,
Qui répond que le Père ainsi l’a ordonné,

Je chasse loin de moi horreur et défiance,
Et chante à pleine voix en pleine confiance,
Là petit nous est né, le Fils nous est donné.

QUand je vois de Hermon descendre vers la plaine
En son habit royal ma Christine aux yeux verts,
Je vois ce m’est avis tous ces hauts cieux ouverts
Pleuvoir mille beautés sur ma douce inhumaine.

Qui de Phèbe a pu voir la rondeur toute pleine
Blanchir l’azur du ciel, et son émail divers,
Ma Christine il a vu Phèbe de l’Univers,
Montrer de toutes parts sa gloire souveraine.

Dans le cristal qui sourd du rocher de mon flanc
Je plonge tout son corps, pour le rendre ainsi blanc
Que le lait ou le lis, voire plus blanc encore.

Je réforme au-dedans toutes ses passions,
Je purge le souillé de ses affections,
Je fais son teint pareil à celui de l’Aurore.

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sonne  37 
sonne  38 

DAns le ciel éclairait une lampe nouvelle,
Qui ne redoutait point le midi du Soleil,
Et qui faisait un jour, au plus beau jour pareil
Qui se fasse à midi, quand l’an se renouvelle :

Partant de l’Orient, d’une carrière isnelle
Elle élançait toujours de ses rais le vermeil
Vers l’Israël de Dieu, et des traits de son œil
Cherchait de Bethléem la cité sainte et belle.

Cet Astre lumineux pour orner le natal
De Christ Emmanuel, du peuple Oriental
Conduisait en Juda la rare sapience,

Qui pour chérir le Roi de la terre et des cieux,
Portaient de l’Orient les dons plus précieux,
Enclos au cabinet de bonne conscience.

DAns le ciel éclairait une blanche lumière,
Dont le jour ressemblait à Jaspe reluisant,
De qui le clair très-clair au ciel cristallisant,
Surpassait du Soleil la clarté tout entière :

L’Éternel qui se sied sur la voûte dernière,
Un grand mont entourait d’un feu clair et luisant,
Qui son chef élevait dans le ciel flamboyant,
Et puis le recourbait sous ma Christine chère.

Alors vit-on du ciel descendre en ces bas lieux,
Celle de qui les rais des doubles chastes yeux
Ressemblent les doux yeux des chastes colombelles :

Honorant sa beauté d’un tel manteau royal,
Que porte l’épousée à son époux loyal,
Qui sent d’un chaste amour les vives étincelles.

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sonne  39 
sonne  40 

Ô Sainte mille fois ! sainte nativité,
Ô sainte encor un coup ! sainte et sainte naissance
Qui as joint en naissant ta divine puissance
Avec le faible corps de notre humanité,

Saint et saint fils de Dieu de toute éternité,
Tu t’asservis au temps par ta grande clémence,
Et montres en naissant ta grande sapience,
Ta justice, ta paix et ta bénignité.

Ta sapience, ô Dieu, reluit aux deux natures,
Qui joins ta Déité aux viles créatures,
Témoignage immortel d’une immortelle paix.

Par la même naissance apparaît ta justice,
Qui punis en la chair de la chair l’injustice
Pour sauver cette chair, ô Dieu bon à jamais.

Ô Divine beauté ! qu’une divine grâce
Embellit par dedans et par dehors aussi,
Qui se fait admirer dans le ciel, et ici,
Et partout où ce beau montre sa belle face.

Ô divine douceur ! qui la douceur surpasse
De tout ce qui est doux, ô portrait raccourci
Sur tout ce divers beau que l’on admire ainsi !
Que la terre contient, et que le ciel embrasse.

Un trait de ta beauté surpasse le beau même,
Ta clarté rend le clair du Soleil pâle et blême,
Les astres n’osent pas tes astres regarder,

Mais la belle beauté que sur toutes j’admire,
Est cette ferme Foi, que ferme je puis dire,
Puisqu’au travers des cieux elle a pu m’œillader.

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En ligne le 09/10/05.
Dernière révision le 26/08/21.