Francesco PETRARCA (1304-1374)
Venise, 1470, f° 64r° [←Gallica].

NOn tesin po uaro adice & tebro

eufrate tigre nilo hemo indo & gange
tana histro alpheo garona el mar che frange
rodano hybero ren sena albia era hebro
non hedra abete pin faggio o genebro
porial foco allentar chel cor tristo ange
quantun bel rio chadognor meco piange
chon larbuscel chen rime orno & celebro

Q uesto un soccorso trouo tra gliassalti
damore oue conuien charmato uiua
lauita che trapassa asi gran salti
cosi crescal bel lauro infresca riua
et chil pianto pensier leggiadri et alti
nella dolce ombra al son delacque scriua

Avignon, B. Bonhomme, 1555, I, LXXI, p. 80 [←Gallica].

Ne Pau, Tesin, ne Timbre, Arnus, le Nil, Garone,
Tigris, Sone, Inde, Hermus, Varus, Ganges, Rin, Seine,
Tane, Alphée, Danube, Hibere, Euphrates, Meine,
Albe, Adige, Heber, Loire, & Durence, & le Rosne,

Ne celle Mer qu’il romp, n’auroient uertu si bonne,
Qu’ha ce gentil ruisseau contre mon feu & peine.
Ne Liarre, ou Hestre, ou Chesne, ou Geneure n’enmeine
A mon cueur tel plaisir, que cest arbre me donne,

Et ce petit ruisseau aux amoureux assaultz
Dont conuient qu’une uie estant armé ie uiue,
Qui par ardent desir trepasse maintz grans sautz.

Croisse donc ce Laurier en ceste fresche riue
Tant que qui l’ha planté dessoubz son ombre escriue
Vn iour au bruit de l’eau ses amoureux trauaux.

Paris, Thomas Perier, 1585, sonnet LXXXVI, f° 31v° [←Gallica].

Tousiours, tousiours, helas! i’ay dedans la memoire
La blanche main, le poil & l’œil plein de rigueur,
Qui me serrant, liant & me brulant le cueur,
La mortelle poison d’Amour me firent boire.

Le Pau, le Rhin, la Seine, & la Sone, & le Loire,
Ne pourroient pas, ô Dieux, esteindre la chaleur,
Que cest astre iumeau destin de mon malheur,
A epris dans mon cœur pour sa plus grande gloire.

O beauté de qui l’œil, le poil, la belle main
Ont brulé, lassé, pris mon cœur dedans mon sain:
Vous estes celle-là qui seule peut esteindre,

Desnouer, & ouurir le feu, le reth, la serre
Qui me brulant, noudant, & serrant vne guerre,
Font à mon pauure cœur dangereuse & à craindre.

Le Prélude poétique, Les premières Amours d’Erice,
Paris, Gilles Robinot, 1603, LII, f° 13r° [←Gallica].

Ni mes humides pleurs, le Gange, ni le Róne,
Ni l’Istre, ni le Pau, ni le Tibre profond,
Ni Tamise, Eridan, ni l’Hibre à demi rond,
Ni le Tage, le Nil, ni le Rhin, ni Garone,
Ni l’Albe, ni Strymon, ni Tane, ni la Sóne,
Ni Meandre, & Ladon, ni l’Inde vagabond,
Ni Alphé’, ni Tésin, ni l’Eufrate fecond,
Ni la Seine, le Loir, ni bref le fleuue d’Orne:

Ni de tout l’Ocean tous les fleuues retors,
Pour ma flame amortir ne sont pas assez fors,
Tant ápre est le brandon qui me met en furie.

Si qu’en ce grand brasier ie ne puis esperer
Que l’ardeur qu’il me faut iour & nuit endurer
Puisse oncques prendre fin, qu’en finissant ma vie.

Poésies de Pétrarque, « Du vivant de Laure »,
Paris, Paul Masgana, 1842, sonnet CXVI, p. 111 [←Gallica].

éloge allégorique de la fontaine de Sorgue et du laurier qu’il avait planté auprès.

Ni le Tésin, le Pô, le Var, l’Arno, l’Adige et le Tibre, l’Eu­phrate, le Tigre, le Nil, l’Ermus, l’In­dus et le Gange, le Tanaïs, l’Ister, l’Al­phée, la Ga­ronne et la Mer qui se brise, le Rhône, l’Isère, le Rhin, la Seine, l’Aube, l’Aar, l’Èbre ;

Ni lierre, sapin, hêtre, pin ou gé­né­vrier, ne pour­raient apai­ser le feu qui ronge mon triste cœur, au­tant que le peuvent un beau ruis­seau qui pleure à toute heure avec moi, et l’ar­buste que, dans mes rimes, j’em­bel­lis et cé­lèbre.

Je ne trouve pas d’autre se­cours par­mi les attaques d’Amour qui m’oblige à pas­ser en armes mon exis­tence expo­sée à des chocs si redou­tables.

Qu’ainsi croisse le beau Lau­rier sur le ri­vage frais ; et que celui qui l’a pleuré écrive sous son doux om­brage, au mur­mure des eaux, des pen­sées élé­gantes et éle­vées.

F. Brisset, Non, le Tibre, le Pô… (1933)   ↓   ↑   ⇑  →t.o.
Pétrarque à Laure. Les Sonnets, « À Laure vivante »,
Paris, J.-A. Quereuil, 1933, XCVIII, p. 98 [←Gallica].

Non, le Tibre, le Pô, le Var, l’Arno, l’Adige,
L’Euphrate, le Tessin, l’Hèbre, le Tanaïs,
Le Nil, l’Hermus, l’Indus, non, le Rhône, la Seine,
La Garonne, le Rhin 1, la mer et ses écueils,

Non, le sapin, le hêtre ou le genévrier
Ne sauraient apaiser le feu qui me consume,
Comme font un ruisseau qui soupire avec moi,
Et l’arbuste à jamais célébré dans mes vers.

Contre les coups d’Amour, là, je trouve un refuge ;
Mais il me faut passer incessamment armé
Toute ma vie, hélas, qui fuit à si grand pas.

Qu’il croisse le laurier, sur ces bords verdoyants ;
Celui qui le planta viendra, sous son ombrage,
Écrire au bruit des eaux des vers nobles et beaux.

_____

 1  Dans le texte, il y a vingt-trois noms de fleuves ou rivières (note du tra­duc­teur).

























Avignon, B. Bonhomme, 1555, I, LXXI, p. 80 [←Gallica].

Ne Pau, Tesin, ne Timbre, Arnus, le Nil, Garone,
Tigris, Sone, Inde, Hermus, Varus, Ganges, Rin, Seine,
Tane, Alphée, Danube, Hibere, Euphrates, Meine,
Albe, Adige, Heber, Loire, & Durence, & le Rosne,

Ne celle Mer qu’il romp, n’auroient uertu si bonne,
Qu’ha ce gentil ruisseau contre mon feu & peine.
Ne Liarre, ou Hestre, ou Chesne, ou Geneure n’enmeine
A mon cueur tel plaisir, que cest arbre me donne,

Et ce petit ruisseau aux amoureux assaultz
Dont conuient qu’une uie estant armé ie uiue,
Qui par ardent desir trepasse maintz grans sautz.

Croisse donc ce Laurier en ceste fresche riue
Tant que qui l’ha planté dessoubz son ombre escriue
Vn iour au bruit de l’eau ses amoureux trauaux.

Paris, Thomas Perier, 1585, sonnet LXXXVI, f° 31v° [←Gallica].

Tousiours, tousiours, helas! i’ay dedans la memoire
La blanche main, le poil & l’œil plein de rigueur,
Qui me serrant, liant & me brulant le cueur,
La mortelle poison d’Amour me firent boire.

Le Pau, le Rhin, la Seine, & la Sone, & le Loire,
Ne pourroient pas, ô Dieux, esteindre la chaleur,
Que cest astre iumeau destin de mon malheur,
A epris dans mon cœur pour sa plus grande gloire.

O beauté de qui l’œil, le poil, la belle main
Ont brulé, lassé, pris mon cœur dedans mon sain:
Vous estes celle-là qui seule peut esteindre,

Desnouer, & ouurir le feu, le reth, la serre
Qui me brulant, noudant, & serrant vne guerre,
Font à mon pauure cœur dangereuse & à craindre.

Le Prélude poétique, Les premières Amours d’Erice,
Paris, Gilles Robinot, 1603, LII, f° 13r° [←Gallica].

Ni mes humides pleurs, le Gange, ni le Róne,
Ni l’Istre, ni le Pau, ni le Tibre profond,
Ni Tamise, Eridan, ni l’Hibre à demi rond,
Ni le Tage, le Nil, ni le Rhin, ni Garone,
Ni l’Albe, ni Strymon, ni Tane, ni la Sóne,
Ni Meandre, & Ladon, ni l’Inde vagabond,
Ni Alphé’, ni Tésin, ni l’Eufrate fecond,
Ni la Seine, le Loir, ni bref le fleuue d’Orne:

Ni de tout l’Ocean tous les fleuues retors,
Pour ma flame amortir ne sont pas assez fors,
Tant ápre est le brandon qui me met en furie.

Si qu’en ce grand brasier ie ne puis esperer
Que l’ardeur qu’il me faut iour & nuit endurer
Puisse oncques prendre fin, qu’en finissant ma vie.

Poésies de Pétrarque, « Du vivant de Laure »,
Paris, Paul Masgana, 1842, sonnet CXVI, p. 111 [←Gallica].

éloge allégorique de la fontaine de Sorgue et du laurier qu’il avait planté auprès.

Ni le Tésin, le Pô, le Var, l’Arno, l’Adige et le Tibre, l’Eu­phrate, le Tigre, le Nil, l’Ermus, l’In­dus et le Gange, le Tanaïs, l’Ister, l’Al­phée, la Ga­ronne et la Mer qui se brise, le Rhône, l’Isère, le Rhin, la Seine, l’Aube, l’Aar, l’Èbre ;

Ni lierre, sapin, hêtre, pin ou gé­né­vrier, ne pour­raient apai­ser le feu qui ronge mon triste cœur, au­tant que le peuvent un beau ruis­seau qui pleure à toute heure avec moi, et l’ar­buste que, dans mes rimes, j’em­bel­lis et cé­lèbre.

Je ne trouve pas d’autre se­cours par­mi les attaques d’Amour qui m’oblige à pas­ser en armes mon exis­tence expo­sée à des chocs si redou­tables.

Qu’ainsi croisse le beau Lau­rier sur le ri­vage frais ; et que celui qui l’a pleu­ré écrive sous son doux om­brage, au mur­mure des eaux, des pen­sées élé­gantes et éle­vées.

F. Brisset, Non, le Tibre, le Pô… (1933)   ↓   ↑   ⇑  →t.o.
Pétrarque à Laure. Les Sonnets, « À Laure vivante »,
Paris, J.-A. Quereuil, 1933, XCVIII, p. 98 [←Gallica].

Non, le Tibre, le Pô, le Var, l’Arno, l’Adige,
L’Euphrate, le Tessin, l’Hèbre, le Tanaïs,
Le Nil, l’Hermus, l’Indus, non, le Rhône, la Seine,
La Garonne, le Rhin 1, la mer et ses écueils,

Non, le sapin, le hêtre ou le genévrier
Ne sauraient apaiser le feu qui me consume,
Comme font un ruisseau qui soupire avec moi,
Et l’arbuste à jamais célébré dans mes vers.

Contre les coups d’Amour, là, je trouve un refuge ;
Mais il me faut passer incessamment armé
Toute ma vie, hélas, qui fuit à si grand pas.

Qu’il croisse le laurier, sur ces bords verdoyants ;
Celui qui le planta viendra, sous son ombrage,
Écrire au bruit des eaux des vers nobles et beaux.

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 1  Dans le texte, il y a vingt-trois noms de fleuves ou rivières (note du tra­duc­teur).

























textes originaux
[R]

 

En ligne le 16/01/22.
Dernière révision le 14/04/24.