Francesco PETRARCA (1304-1374)
Lyon, Jean de Tournes, 1545, pp. 144-145 [←Gallica].

Non Tesin, Pò, Varo, Arno, Adige, e Tebro,
Eufrate, Tigre, Nilo, Hermo, Indo, e Gange,
Tana, Histro, Alfeo, Garona, è’l Mar, che frange,
Rodano, Hibero, Ren, Sena, Albia, Hera, Hebro,

Non Hedra, Abete, Pin, Faggio, o Genebro
Poria’l fuoco allentar, che’l cor tristo ange,
Quant’vn bel rio, ch’ad ogn’hor meco piange
Con l’arboscel, che’n rime orno, e celebro.

Quest’vn soccorso trouo tra gliassalti
D’Amore, onde conuien ch’armato viua
La vita, che trappassa a si gran salti:

Cosi cresca’l bel Lauro in fresca riua,
Et chi’l piantò, pensier leggiadri, & alti
Ne la dolce ombra al suon de l’acque scriua.

Avignon, B. Bonhomme, 1555, I, LXXI, p. 80 [←Gallica].

Ni Pô, Tésin, ni Tibre, Arnus, le Nil, Garonne,
Tigris, Saône, Inde, Hermus, Varus, Gange, Rhin, Seine,
Tane, Alphée, Danube, Hibère, Euphratès, Maine,
Albe, Adige, Heber, Loire, et Durance, et le Rhône,

Ni celle Mer qu’il rompt, n’auraient vertu si bonne,
Qu’a ce gentil ruisseau contre mon feu et peine.
Ni Lierre, ou Hêtre, ou Chêne, ou Genèvre n’emmène
À mon cœur tel plaisir, que cet arbre me donne,

Et ce petit ruisseau aux amoureux assauts
Dont convient qu’une vie étant armé je vive,
Qui par ardent désir trépasse maints grands sauts.

Croisse donc ce Laurier en cette fraîche rive
Tant que qui l’a planté dessous son ombre écrive
Un jour au bruit de l’eau ses amoureux travaux.

Paris, Thomas Perier, 1585, sonnet LXXXVI, f° 31v° [←Gallica].

Toujours, toujours, hélas ! j’ai dedans la mémoire
La blanche main, le poil et l’œil plein de rigueur,
Qui me serrant, liant et me brûlant le cœur,
La mortelle poison d’Amour me firent boire.

Le Pau, le Rhin, la Seine, et la Saône, et le Loire,
Ne pourraient pas, ô Dieux, éteindre la chaleur,
Que cet astre jumeau destin de mon malheur,
A épris dans mon cœur pour sa plus grande gloire.

Ô beauté de qui l’œil, le poil, la belle main
Ont brûlé, lacé, pris mon cœur dedans mon sein :
Vous êtes celle-là qui seule peut éteindre,

Dénouer, et ouvrir le feu, le rets, la serre
Qui me brûlant, noudant, et serrant une guerre,
Font à mon pauvre cœur dangereuse et à craindre.

Le Prélude poétique, Les premières Amours d’Erice,
Paris, Gilles Robinot, 1603, LII, f° 13r° [←Gallica].

Ni mes humides pleurs, le Gange, ni le Rhône,
Ni l’Istre, ni le Pô, ni le Tibre profond,
Ni Tamise, Éridan, ni l’Hèbre à demi rond,
Ni le Tage, le Nil, ni le Rhin, ni Garonne,
Ni l’Elbe, ni Strymon, ni Tane, ni la Saône,
Ni Méandre, et Ladon, ni l’Inde vagabond,
Ni Alphé’, ni Tésin, ni l’Euphrate fécond,
Ni la Seine, le Loir, ni bref le fleuve d’Orne :

Ni de tout l’Océan tous les fleuves retors,
Pour ma flamme amortir ne sont pas assez forts,
Tant âpre est le brandon qui me met en furie.

Si qu’en ce grand brasier je ne puis espérer
Que l’ardeur qu’il me faut jour et nuit endurer
Puisse oncques prendre fin, qu’en finissant ma vie.

Poésies de Pétrarque, « Du vivant de Laure »,
Paris, Paul Masgana, 1842, sonnet CXVI, p. 111 [←Gallica].

éloge allégorique de la fontaine de Sorgue et du laurier qu’il avait planté auprès.

Ni le Tésin, le Pô, le Var, l’Arno, l’Adige et le Tibre, l’Eu­phrate, le Tigre, le Nil, l’Ermus, l’In­dus et le Gange, le Tanaïs, l’Ister, l’Al­phée, la Ga­ronne et la Mer qui se brise, le Rhône, l’Isère, le Rhin, la Seine, l’Aube, l’Aar, l’Èbre ;

Ni lierre, sapin, hêtre, pin ou gé­né­vrier, ne pour­raient apai­ser le feu qui ronge mon triste cœur, au­tant que le peuvent un beau ruis­seau qui pleure à toute heure avec moi, et l’ar­buste que, dans mes rimes, j’em­bel­lis et cé­lèbre.

Je ne trouve pas d’autre se­cours par­mi les attaques d’Amour qui m’oblige à pas­ser en armes mon exis­tence expo­sée à des chocs si redou­tables.

Qu’ainsi croisse le beau Lau­rier sur le ri­vage frais ; et que celui qui l’a planté écrive sous son doux om­brage, au mur­mure des eaux, des pen­sées élé­gantes et éle­vées.

F. Brisset, Non, le Tibre, le Pô… (1933)   ↓   ↑   ⇑  →t.o.
Pétrarque à Laure. Les Sonnets, « À Laure vivante »,
Paris, J.-A. Quereuil, 1933, XCVIII, p. 98 [←Gallica].

Non, le Tibre, le Pô, le Var, l’Arno, l’Adige,
L’Euphrate, le Tessin, l’Hèbre, le Tanaïs,
Le Nil, l’Hermus, l’Indus, non, le Rhône, la Seine,
La Garonne, le Rhin 1, la mer et ses écueils,

Non, le sapin, le hêtre ou le genévrier
Ne sauraient apaiser le feu qui me consume,
Comme font un ruisseau qui soupire avec moi,
Et l’arbuste à jamais célébré dans mes vers.

Contre les coups d’Amour, là, je trouve un refuge ;
Mais il me faut passer incessamment armé
Toute ma vie, hélas, qui fuit à si grand pas.

Qu’il croisse le laurier, sur ces bords verdoyants ;
Celui qui le planta viendra, sous son ombrage,
Écrire au bruit des eaux des vers nobles et beaux.

_____

 1  Dans le texte, il y a vingt-trois noms de fleuves ou rivières (note du tra­duc­teur).

























Avignon, B. Bonhomme, 1555, I, LXXI, p. 80 [←Gallica].

Ni Pô, Tésin, ni Tibre, Arnus, le Nil, Garonne,
Tigris, Saône, Inde, Hermus, Varus, Gange, Rhin, Seine,
Tane, Alphée, Danube, Hibère, Euphratès, Maine,
Albe, Adige, Heber, Loire, et Durance, et le Rhône,

Ni celle Mer qu’il rompt, n’auraient vertu si bonne,
Qu’a ce gentil ruisseau contre mon feu et peine.
Ni Lierre, ou Hêtre, ou Chêne, ou Genèvre n’emmène
À mon cœur tel plaisir, que cet arbre me donne,

Et ce petit ruisseau aux amoureux assauts
Dont convient qu’une vie étant armé je vive,
Qui par ardent désir trépasse maints grands sauts.

Croisse donc ce Laurier en cette fraîche rive
Tant que qui l’a planté dessous son ombre écrive
Un jour au bruit de l’eau ses amoureux travaux.

Paris, Thomas Perier, 1585, sonnet LXXXVI, f° 31v° [←Gallica].

Toujours, toujours, hélas ! j’ai dedans la mémoire
La blanche main, le poil et l’œil plein de rigueur,
Qui me serrant, liant et me brûlant le cœur,
La mortelle poison d’Amour me firent boire.

Le Pau, le Rhin, la Seine, et la Saône, et le Loire,
Ne pourraient pas, ô Dieux, éteindre la chaleur,
Que cet astre jumeau destin de mon malheur,
A épris dans mon cœur pour sa plus grande gloire.

Ô beauté de qui l’œil, le poil, la belle main
Ont brûlé, lacé, pris mon cœur dedans mon sein :
Vous êtes celle-là qui seule peut éteindre,

Dénouer, et ouvrir le feu, le rets, la serre
Qui me brûlant, noudant, et serrant une guerre,
Font à mon pauvre cœur dangereuse et à craindre.

Le Prélude poétique, Les premières Amours d’Erice,
Paris, Gilles Robinot, 1603, LII, f° 13r° [←Gallica].

Ni mes humides pleurs, le Gange, ni le Rhône,
Ni l’Istre, ni le Pô, ni le Tibre profond,
Ni Tamise, Éridan, ni l’Hèbre à demi rond,
Ni le Tage, le Nil, ni le Rhin, ni Garonne,
Ni l’Elbe, ni Strymon, ni Tane, ni la Saône,
Ni Méandre, et Ladon, ni l’Inde vagabond,
Ni Alphé’, ni Tésin, ni l’Euphrate fécond,
Ni la Seine, le Loir, ni bref le fleuve d’Orne :

Ni de tout l’Océan tous les fleuves retors,
Pour ma flamme amortir ne sont pas assez forts,
Tant âpre est le brandon qui me met en furie.

Si qu’en ce grand brasier je ne puis espérer
Que l’ardeur qu’il me faut jour et nuit endurer
Puisse oncques prendre fin, qu’en finissant ma vie.

Poésies de Pétrarque, « Du vivant de Laure »,
Paris, Paul Masgana, 1842, sonnet CXVI, p. 111 [←Gallica].

éloge allégorique de la fontaine de Sorgue et du laurier qu’il avait planté auprès.

Ni le Tésin, le Pô, le Var, l’Arno, l’Adige et le Tibre, l’Eu­phrate, le Tigre, le Nil, l’Ermus, l’In­dus et le Gange, le Tanaïs, l’Ister, l’Al­phée, la Ga­ronne et la Mer qui se brise, le Rhône, l’Isère, le Rhin, la Seine, l’Aube, l’Aar, l’Èbre ;

Ni lierre, sapin, hêtre, pin ou gé­né­vrier, ne pour­raient apai­ser le feu qui ronge mon triste cœur, au­tant que le peuvent un beau ruis­seau qui pleure à toute heure avec moi, et l’ar­buste que, dans mes rimes, j’em­bel­lis et cé­lèbre.

Je ne trouve pas d’autre se­cours par­mi les attaques d’Amour qui m’oblige à pas­ser en armes mon exis­tence expo­sée à des chocs si redou­tables.

Qu’ainsi croisse le beau Lau­rier sur le ri­vage frais ; et que celui qui l’a planté écrive sous son doux om­brage, au mur­mure des eaux, des pen­sées élé­gantes et éle­vées.

F. Brisset, Non, le Tibre, le Pô… (1933)   ↓   ↑   ⇑  →t.o.
Pétrarque à Laure. Les Sonnets, « À Laure vivante »,
Paris, J.-A. Quereuil, 1933, XCVIII, p. 98 [←Gallica].

Non, le Tibre, le Pô, le Var, l’Arno, l’Adige,
L’Euphrate, le Tessin, l’Hèbre, le Tanaïs,
Le Nil, l’Hermus, l’Indus, non, le Rhône, la Seine,
La Garonne, le Rhin 1, la mer et ses écueils,

Non, le sapin, le hêtre ou le genévrier
Ne sauraient apaiser le feu qui me consume,
Comme font un ruisseau qui soupire avec moi,
Et l’arbuste à jamais célébré dans mes vers.

Contre les coups d’Amour, là, je trouve un refuge ;
Mais il me faut passer incessamment armé
Toute ma vie, hélas, qui fuit à si grand pas.

Qu’il croisse le laurier, sur ces bords verdoyants ;
Celui qui le planta viendra, sous son ombrage,
Écrire au bruit des eaux des vers nobles et beaux.

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 1  Dans le texte, il y a vingt-trois noms de fleuves ou rivières (note du tra­duc­teur).

























textes modernisés
[R]

 

En ligne le 02/11/18.
Dernière révision le 14/04/24.