Francesco PETRARCA (1304-1374)
Lyon, Jean de Tournes, 1545, p. 40 [←Gallica].

Solo, e pensoso i piu deserti campi
Vò misurando a passi tardi, e lenti,
E gliocchi porto per fuggire intenti,
Oue vestigio human la rena stampi.

Altro schermo non trouo, che mi scampi
Dal manifesto accorger de le genti:
Perche ne gliatti dallegrezza spenti
Di fuor si legge, comio dentro auampi:

Si, chio mi credo homai, che monti, e piagge
E fiumi, e selue sappian, di che tempre
Sia la mia vita che celata altrui.

Ma pur si aspre vie, ne si seluagge
Cercar non sò, chAmor non venga sempre
Ragionando con meco, & io con lui.

Avignon, B. Bonhomme, 1555, I, XXVI, p. 27 [←Gallica].

Seul et pensif ces champs et vert coteau
Vais mesurant pas à pas lentement,
Et des humains je fuis lassemblement :
Mais tel fuir pourtant rien ne me vaut.

Au fort ainsi gouverner il me faut,
Pour ne montrer aux gens mon gref tourment.
Vu quà me voir on lit dehors comment
Toujours jendure au dedans un feu chaud.

Je crois quici meshui il ny a plaine,
Ni mont, ni bois, qui ne sachent lusage
Que tient ma vie à autrui incertaine.

Mais je ne sais chercher lieu tant sauvage,
Quamour toujours ne my suive en volant,
Et lun à lautre ensemble allons parlant.

Paris, André Wechel, 1555, livre II, f° 63r° [←Gallica].

Solitaire et pensif par les lieux plus sauvages,
Où des hommes le train moins se montre à mes yeux,
Seul je vas dégorgant mon travail ennuyeux,
Or dans les bois ombreux, or du long des rivages.

Là, seul je ramentois celle, qui en sa garde
A mon cœur mon fuitif, et rendre ne le veut,
Et, quand elle voudrait, qui rendre ne le peut,
Tant humaine la sent mon traître quelle garde.

Là, tout parle damour, et ny a, ni ruisseau,
Ni bête, ni rocher, ni pré, ni arbrisseau,
Qui ne sente avec moi damour quelque étincelle.

Et je ne puis aller en déserts si lointains,
(Soit par les lieux plus bas, soit par les plus hautains)
Quà cet aveugle dieu tant soit peu je my cèle.

Lettres amoureuses, Septante Sonnets de Pétrarque,
Lyon, P. Frellon et A. Cloquemin, 1595, 27, p. 250 [←Gallica].

TOut seul, et en rêvant au champ plus solitaire
Je mesure mes pas posés appesantifs,
Et fais que mes deux yeux de fuir attentifs
Font que vestige humain ne leur y soit contraire.

Trouver ne mest possible autre meilleur repaire,
Pour fuir le soupçon du peuple conceptif,
Car en mes actions par plaisir sensitif
Ce que jai dans le cœur ma face ne peut taire.

Tellement que je crois quil nest ni mont, ni plaine,
Ni fleuve ni forêt à qui ne soit certaine,
La trempe de ma vie recelée à autrui.

Mais chercher je ne puis ma vie si lointaine
Quamour ne my attrape et partout il me traîne,
Parlant toujours à moi, et moi toujours à lui.

Le Pétrarque en rime française, « Durant la vie de Laure »,
Douay, François Fabry, 1606, XXVIII, pp. 66-67 [←Gallica].

Je vais seul et pensif les champs plus égarés
Et déserts mesurant dune marche tardive,
Et je porte la vue à fuir ententive
La terre, où que les pieds humains sont figurés.

Je ne sais autre tour, afin que séparés
Les hommes soient de moi, et toute autre âme vive,
Car en mes faits, desquels rien quun pleurer dérive,
Les chauds traits que je sens au cœur, sont déclarés.

Tant que dors en avant je crois que les rivières,
Les montagnes et bois connaissent les manières
De ma vie, et son but inconnu à autrui.

Toutefois je ne sais chercher tant âpre voie
Ni sauvage, quAmour toujours ne me convoie,
Avec moi raisonnant, et moi avecque lui.

Gramont, Seul et pensif… (1842)   ↓   ↑   ⇑  →t.o.
Poésies de Pétrarque, « Du vivant de Laure »,
Paris, Paul Masgana, 1842, sonnet XXVIII, p. 28 [←Gallica].

il cherche la solitude ; mais l’amour l’y poursuit.

Seul et pen­sif je vais mesu­rant les plus dé­sertes plaines d’un pas lent et négli­gent, et afin de m’en­fuir, je re­cherche d’un regard atten­tif les ves­tiges hu­mains impri­més sur le sable.

Je ne trouve pas d’autre dé­fense pour me déro­ber à l’at­ten­tion mani­feste des hommes ; car, toute trace de gaie­té étant effa­cée de moi, on lit du de­hors la pas­sion qui me con­sume au de­dans.

Aussi je crois bien désor­mais que les monts et les plaines, et les fleuves et les fo­rêts sau­ront de quelle trempe est ma vie qui est ca­chée à autrui.

Mais je ne sais point cher­cher de routes si âpres ni si sau­vages qu’Amour n’y vienne tou­jours rai­son­ner avec moi, comme moi avec lui.

























Avignon, B. Bonhomme, 1555, I, XXVI, p. 27 [←Gallica].

Seul et pensif ces champs et vert coteau
Vais mesurant pas à pas lentement,
Et des humains je fuis lassemblement :
Mais tel fuir pourtant rien ne me vaut.

Au fort ainsi gouverner il me faut,
Pour ne montrer aux gens mon gref tourment.
Vu quà me voir on lit dehors comment
Toujours jendure au dedans un feu chaud.

Je crois quici meshui il ny a plaine,
Ni mont, ni bois, qui ne sachent lusage
Que tient ma vie à autrui incertaine.

Mais je ne sais chercher lieu tant sauvage,
Quamour toujours ne my suive en volant,
Et lun à lautre ensemble allons parlant.

Paris, André Wechel, 1555, livre II, f° 63r° [←Gallica].

Solitaire et pensif par les lieux plus sauvages,
Où des hommes le train moins se montre à mes yeux,
Seul je vas dégorgant mon travail ennuyeux,
Or dans les bois ombreux, or du long des rivages.

Là, seul je ramentois celle, qui en sa garde
A mon cœur mon fuitif, et rendre ne le veut,
Et, quand elle voudrait, qui rendre ne le peut,
Tant humaine la sent mon traître quelle garde.

Là, tout parle damour, et ny a, ni ruisseau,
Ni bête, ni rocher, ni pré, ni arbrisseau,
Qui ne sente avec moi damour quelque étincelle.

Et je ne puis aller en déserts si lointains,
(Soit par les lieux plus bas, soit par les plus hautains)
Quà cet aveugle dieu tant soit peu je my cèle.

Lettres amoureuses, Septante Sonnets de Pétrarque,
Lyon, P. Frellon et A. Cloquemin, 1595, 27, p. 250 [←Gallica].

TOut seul, et en rêvant au champ plus solitaire
Je mesure mes pas posés appesantifs,
Et fais que mes deux yeux de fuir attentifs
Font que vestige humain ne leur y soit contraire.

Trouver ne mest possible autre meilleur repaire,
Pour fuir le soupçon du peuple conceptif,
Car en mes actions par plaisir sensitif
Ce que jai dans le cœur ma face ne peut taire.

Tellement que je crois quil nest ni mont, ni plaine,
Ni fleuve ni forêt à qui ne soit certaine,
La trempe de ma vie recelée à autrui.

Mais chercher je ne puis ma vie si lointaine
Quamour ne my attrape et partout il me traîne,
Parlant toujours à moi, et moi toujours à lui.

Le Pétrarque en rime française, « Durant la vie de Laure »,
Douay, François Fabry, 1606, XXVIII, pp. 66-67 [←Gallica].

Je vais seul et pensif les champs plus égarés
Et déserts mesurant dune marche tardive,
Et je porte la vue à fuir ententive
La terre, où que les pieds humains sont figurés.

Je ne sais autre tour, afin que séparés
Les hommes soient de moi, et toute autre âme vive,
Car en mes faits, desquels rien quun pleurer dérive,
Les chauds traits que je sens au cœur, sont déclarés.

Tant que dors en avant je crois que les rivières,
Les montagnes et bois connaissent les manières
De ma vie, et son but inconnu à autrui.

Toutefois je ne sais chercher tant âpre voie
Ni sauvage, quAmour toujours ne me convoie,
Avec moi raisonnant, et moi avecque lui.

Poésies de Pétrarque, « Du vivant de Laure »,
Paris, Paul Masgana, 1842, sonnet XXVIII, p. 28 [←Gallica].

il cherche la solitude ; mais l’amour l’y poursuit.

Seul et pen­sif je vais mesu­rant les plus dé­sertes plaines d’un pas lent et négli­gent, et afin de m’en­fuir, je re­cherche d’un regard atten­tif les ves­tiges hu­mains impri­més sur le sable.

Je ne trouve pas d’autre dé­fense pour me déro­ber à l’at­ten­tion mani­feste des hommes ; car, toute trace de gaie­té étant effa­cée de moi, on lit du de­hors la pas­sion qui me con­sume au de­dans.

Aussi je crois bien désor­mais que les monts et les plaines, et les fleuves et les fo­rêts sau­ront de quelle trempe est ma vie qui est ca­chée à autrui.

Mais je ne sais point cher­cher de routes si âpres ni si sau­vages qu’Amour n’y vienne tou­jours rai­son­ner avec moi, comme moi avec lui.

























textes modernisés
[R]

 

En ligne le 11/11/23.
Dernière révision le 10/06/24.