Pierre de RONSARD (1524-1585)
Paris, veuve Maurice de La Porte, 1553.

J’Espère et crains, je me tais et supplie,
Or’ je suis glace, et ores un feu chaud,
J’admire tout, et de rien ne me chaut,
Je me délace, et puis je me relie.

Rien ne me plaît sinon ce qui m’ennuie :
Je suis vaillant, et le cœur me défaut,
J’ai l’espoir bas, j’ai le courage haut,
Je doute Amour, et si je le défie.

Plus je me pique, et plus je suis rétif,
J’aime être libre, et veux être captif,
Cent fois je meurs, cent fois je prends naissance.

Un Prométhée en passions je suis,
Et pour aimer perdant toute puissance,
Ne pouvant rien je fais ce que je puis.

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de Muret

J’espère et crains.) Il démon­tre les contraires effets qu’Amour pro­duit en lui : les­quels nul ne peut au vrai en­tendre, qu’il ne les ait expé­ri­men­tés en soi-même. Tel presque est un Son­net de Pé­trarque, qui se com­mence :

Amor mi sprona in un tempo et affrena,
Assecura, e spaventa, arde, et agghiaccia.

Un Pro­méthée.) C’est-à-dire, Mes pas­sions re­naissent per­pé­tuel­le­ment, comme celles de Pro­mé­thée : du­quel les Poètes disent, que pour avoir dé­ro­bé le feu du ciel, il fut atta­ché à une mon­tagne de Scy­thie nom­mé Cau­case, là où un aigle lui ron­geait con­ti­nuel­le­ment le foie : et afin que son tour­ment fût per­pé­tuel, il lui re­nais­sait de nuit au­tant de foie, comme l’aigle pin­ce­tant lui en avait dévo­ré par jour. Ain­si le raconte Phé­ré­cyde.
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[texte modernisé]
[R]

 
 

En ligne le 13/04/08.
Dernière révision le 26/10/20.