François de CHANTELOUVE
(?-?)
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1576 : D’où prit amour…

Je descendrais jusque dedans ton centre

 

Frère G. VIGERIUS, 1576
 

AU SEIGNEUR frère FRANÇOIS DE CHANTE­LOUVE, cheva­lier de l’ordre de Saint Jean de Jéru­sa­lem, frère G. Vigerius, mineur au convent de Libourne, désire humble salut.

Monsieur, connais­sant que dès votre pre­mier âge avez eu en sin­gu­lière recom­man­da­tion ceux qui portent bonne affec­tion aux lettres, et lieux qui sont parés et embel­lis de belles et riches Biblio­thèques, où tous auteurs sont recueil­lis : encore plus main­te­nant. Et pour en par­ler à la véri­té, Dieu m’ayant tant fa­vo­ri­sé que de vous voir en cette flo­ris­sante, et tant re­nom­mée ville de Paris (où pour ce temps j’étais conti­nuant mes études) cer­taines affaires vous y ayant conduit n’avez été si soi­gneux (bien que n’ayez rien omis en la dili­gence de vos négoces qui vous concer­naient de si près) que ne vous soyez sou­cié encore plus affec­tueu­se­ment que jamais à connaître et han­ter les doctes pour avec eux com­mu­ni­quer : et même, voir les plus anciennes et fameuses Librai­ries de France, témoins en sont un bon nombre de véné­rables Doc­teurs, et belle com­pa­gnie de Gen­tils­hommes qui vous y accom­pagnent : tant pour le grand Zèle et affec­tion qu’ils vous voient por­ter aux ama­teurs de bonnes sciences, que consé­quem­ment aux Lettres. (Comme nous en font foi une infi­ni­té de bonnes œuvres par votre indus­trie mises en lumière : des­quelles ne doivent être pri­vés les nobles esprits.) Et afin que vos labeurs ne fussent vains, vous repre­nant le che­min de Gas­cogne, pour vous reti­rer en votre mai­son (pour encore appli­quer votre noble esprit au labeur de quelque bon œuvre) ne fis­siez cas de faire mettre les­dites œuvres en évi­dence, vous conten­tant seu­le­ment d’en avoir avec vos voi­sins la frui­tion et le plai­sir. Mais pen­sant à part moi, et sachant le dire de la véri­té devoir avoir lieu, qu’il ne faut que la chan­delle soit mise sous le muid, mais sur le chan­de­lier, afin qu’elle luise par la mai­son : je n’ai fait dif­fi­cul­té (ce que de long­temps je cher­chais, pour faire tou­jours fleu­rir votre hon­neur et louange) de faire mettre votre labeur en lumière : M’assu­rant qu’il sera autant bien reçu des gail­lards esprits et hommes doctes qu’on pour­rait souhai­ter. Et si les lec­teurs y trou­ve­ront les joyeux devis des Muses, les gail­lards assauts du Mas­ca­ret sur les rivières bor­de­laises, la per­mis­sion de la puce sau­te­lant par les lits au milieu des cha­leurs esti­vales, d’où ils pour­ront tirer un grand conten­te­ment. Par quoi mon­sieur vous ne trou­ve­rez mau­vais si j’ai usé d’une si grand’ har­diesse que de mêler par­mi vos doctes labeurs, cette Épître, tant mal polie et agen­cée, car l’obli­ga­tion, de laquelle je me sens être votre humble obli­gé, pour les biens reçus des nobles mai­sons de Pomiers et Chan­te­louve m’a com­man­dé ce faire, vous sup­pliant très hum­ble­ment la rece­voir d’aus­si bonne volon­té que je vous la pré­sente.

De Paris ce 30 de Septembre 1576.

Frère G. VIGERIUS,
in François de Chantelouve,
Tragédie de Pharaon et autres oeuvres poétiques,
Paris, 1576, n.p.
[Gallica, NUMM-670624, PDF_7_8]
(texte modernisé).




 

En ligne le 19/10/05.
Dernière révision le 23/09/20.