Amadis JAMYN (v. 1540-1593)
L’été sera l’hiver…
Paris, Félix Le Mangnier, 1584.

L’été sera l’hiver et le printemps l’Automne,
L’air deviendra pesant, le plomb sera léger :
On verra les poissons dedans l’air voyager
Et de muets qu’ils sont avoir la voix fort bonne.
L’eau deviendra le feu, le feu deviendra l’eau
Plutôt que je sois pris d’un autre amour nouveau.

Le mal donnera joie, et l’aise des tristesses.
La neige sera noire, et le lièvre hardi,
Le lion deviendra du sang accouardi,
La terre n’aura point d’herbes ni de richesses,
Les rochers de soi-même auront un mouvement
Plutôt qu’en mon amour il y ait changement.

Le loup et la brebis seront en même étable
Enfermés sans soupçon d’aucune inimitié :
L’aigle avec la colombe aura de l’amitié
Et le caméléon ne sera point muable :
Nul oiseau ne fera son nid au renouveau
Plutôt que je sois pris d’un autre amour nouveau.

La Lune qui parfait en un mois sa carrière
La fera en trente ans au lieu de trente jours,
Saturne qui achève avec trente ans son cours
Se verra plus léger que la lune légère :
Le jour sera la nuit, la nuit sera le jour
Plutôt que je m’enflamme au feu d’un autre amour.

Les ans ne changeront le poil ni la coutume,
Les sens et la raison demeureront en paix
Et plus plaisants seront les malheureux succès
Que les plaisirs du monde au cœur qui s’en allume.
On haïra la vie aimant mieux le mourir
Plutôt que l’on me voie à autre amour courir.

On ne verra loger au monde l’espérance.
Le faux d’avec le vrai ne se discernera :
La fortune en ses jeux changeante ne sera,
Tous les effets de Mars seront sans violence,
Le Soleil sera noir, visible sera Dieu
Plutôt que je sois vu captif en autre lieu.

On peut cliquer sur certains mots pour voir les épithètes de Maurice de La Porte
 
 

L’été sera l’hiver et le printemps l’Automne,
L’air deviendra pesant, le plomb sera léger :
On verra les poissons dedans l’air voyager
Et de muets qu’ils sont avoir la voix fort bonne.
L’eau deviendra le feu, le feu deviendra l’eau
Plutôt que je sois pris d’un autre amour nouveau.

Le mal donnera joie, et l’aise des tristesses.
La neige sera noire, et le lièvre hardi,
Le lion deviendra du sang accouardi,
La terre n’aura point d’herbes ni de richesses,
Les rochers de soi-même auront un mouvement
Plutôt qu’en mon amour il y ait changement.

Le loup et la brebis seront en même étable
Enfermés sans soupçon d’aucune inimitié :
L’aigle avec la colombe aura de l’amitié
Et le caméléon ne sera point muable :
Nul oiseau ne fera son nid au renouveau
Plutôt que je sois pris d’un autre amour nouveau.

La Lune qui parfait en un mois sa carrière
La fera en trente ans au lieu de trente jours ;
Saturne qui achève avec trente ans son cours
Se verra plus léger que la lune légère :
Le jour sera la nuit, la nuit sera le jour
Plutôt que je m’enflamme au feu d’un autre amour.

Les ans ne changeront le poil ni la coutume,
Les sens et la raison demeureront en paix,
Et plus plaisants seront les malheureux succès
Que les plaisirs du monde au cœur qui s’en allume.
On haïra la vie, aimant mieux le mourir
Plutôt que l’on me voie à autre amour courir.

On ne verra loger au monde l’espérance ;
Le faux d’avec le vrai ne se discernera,
La fortune en ses jeux changeante ne sera,
Tous les effets de Mars seront sans violence,
Le Soleil sera noir, visible sera Dieu
Plutôt que je sois vu captif en autre lieu.

 

Version de 1879 en ligne le 03/10/10,
remplacée par celle de 1584 le 17/01/22.
Dernièrave;re révision le 06/06/23.