Étienne FORCADEL
(1519-1578)
Dernier poème en ligne :
1548 : Je n’estimai…

C’est un hanap, affecté, féminin,

Hors plein d’émail, et dedans de venin

 

 
Etienne FORCADEL, 1551
 

au lecteur.

j
e me suis déjà per­sua­dé et tiens pour chose très cer­taine, que, qui saura par­mi quelles occu­pa­tions j’ai écrit mes vers Fran­çais, ou tien­dra mon entre­prise pour trop auda­cieuse, s’il m’est peu favo­ri­sant, et sou­dain me dira que je ne de­vais fau­cher la mois­son d’au­trui. Ou bien, s’il est tel qui daigne user envers moi de com­mune bien­veil­lance, ne dépri­sera nos pe­tits la­beurs. Consi­dé­rant que ma prin­ci­pale et mieux aimée vaca­tion est après l’étude du droit Civil, pour au­quel m’être em­ployé depuis l’en­fance, et par plu­sieurs années, je con­fesse avoir méri­té moins de Lau­rier. Vrai est, que fai­sant par­fois trêves avec le sus­dit étude, je recours à la poé­sie, comme à suave et très hon­nête récré­a­tion : ain­si que peuvent témoi­gner aucuns nos vers long­temps y a pu­bliés[1]. Contre les­quels j’ai bien sou­vent été non moins cour­rou­cé et indi­gné, que fut jamais Mé­dée aux Tra­gé­dies antiques contre ses enfan­çons. Je pré­voyais, que l’attrayante débon­nai­re­té des Lec­teurs me pourrait inci­ter à écrire plu­sieurs vers, avec tel quel désa­van­tage des lois, qui, merci des Cieux, nous ont assez bien suc­cé­dé. Puis j’avi­sais à un bon nombre de Virgiles de notre Siècle, auxquels ne faut rien présen­ter, qui ne soit revu et limé dili­gem­ment. Mais quand ils voudront voir de bon œil nos œuvres, et comme dit est, aviser à la diver­si­té des négoces, à l’âge de l’Auteur, à la fortune si gauche et sévère, qu’il semble qu’elle ait déli­bé­ré faire un petit Ulysse de moi en ma jeunesse, lors seront-ils, non dis-je gracieux, mais bien émus à pitié. Il en faut tou­jours excep­ter ceux, à qui la Poé­sie dé­plaît, tant seu­le­ment pour ce qu’elle est poé­sie, et n’ont égard qu’elle dé­lecte par fables, pro­fite par sen­tences, et aide à polir la langue fré­quen­tée et requise ès cours du Prince sou­ve­rain, et des illustres Pré­si­dents. Je cuide que cette manière de gens hait ce à quoi ne peut atteindre, ni aspi­rer. Et à ceux-ci j’offre de plein don beaux cinq cents écus, avec tou­te­fois condi­tion telle, qu’ils ne liront nos vers dé­sor­mais. Ce n’est pas à moi à qui faut qu’on se dresse, pour recou­vrer un flat­teur de mes­sieurs les lisants. Com­bien que je ne me plus oncques tant, que je ne les prie de prendre le tout humai­ne­ment, et de tel zèle que je le présente, me sou­met­tant au dé hasar­deux de juste répré­hen­sion.

espoir sans espoir.

Estienne FORCADEL,
Poésie, Lyon, 1551, pp. 3-5
[Gallica, NUMM-70469, PDF_4_6]
(texte modernisé).


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Notes

[1] « ainsi que peuvent témoi­gner aucuns nos vers long­temps y a pu­bliés » : comme peuvent en témoi­gner cer­tains de nos vers pu­bliés il y a long­temps.





Liens

* On peut lire en ligne un travail d’étu­diants en musi­co­lo­gie, au format PDF, « Plorez, mes yeulx », chanson de Domi­nique Phinot sur un texte d’Étienne Forca­del, sur le site medren.fr dédié aux étu­diants de licence des cours de Musique de la Renais­sance à l’Uni­ver­si­té Paris-Sorbonne.

Liens valides au 21/03/21.


 


En ligne le 03/06/13.
Dernière révision le 21/03/21.