Clovis HESTEAU
(?-?)
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1578 : Comme on voit en été…

Mes poumons mi-dissous

mon estomach pantois,

Qui gêné va gênant le canal de ma voix

 




L’abbé  GOUJET, 1752.
 

CLOVIS HESTEAU SIEUR DE NUYSEMENT.

Nuyse­ment que Jean de Boys­sières dis­tingue dans sa liste des Poètes amou­reux[1], se nom­mait Clo­vis Hes­teau Sieur de Nuy­se­ment, et vivait encore en 1584. Il était né à Blois, et fut Secré­taire de la Chambre du Roi et de Mon­sieur, c’est-à-dire, de Henri III et du Duc d’Anjou. De même que Boys­sières et La Jessée, c’est à ce Prince qu’il a dédié ses Œuvres poé­tiques, qui furent impri­mées en 1578 sur un pri­vi­lège obte­nu le 22 No­vembre de l’année pré­cé­dente.

L’Au­teur était jeune quand il don­na ce recueil ; il le dit dans son Épître en vers hé­roïques à Monsieur : ces poé­sies étaient le premier fruit de sa plume ; il a la bonne foi de conve­nir que ce pré­sent était peu digne du Prince à qui il l’offrait ; mais il espé­rait de lui en pré­sen­ter dans la suite de plus dignes d’atten­tion, et sur­tout de chan­ter les actions glo­rieuses de celui qui l’avait atta­ché à son ser­vice. Par un Avis fort court au lec­teur, on apprend que l’Au­teur avait été dis­ciple de Jean Dorat : et que sous cet habile Pro­fes­seur, il avait étu­dié avec soin non seu­le­ment les Poètes Grecs et Latins, mais encore ceux des Poètes Ita­liens et Fran­çais qui avaient eu le plus de répu­ta­tion. Cet Avis est suivi de diverses poé­sies Grecques, Latines et Françaises, où l’on prodigue à Nuyse­ment bien des louanges qu’il ne méri­tait pas. Ces éloges sont de Jean Dorat, Nicolas Goulu, Louis de Balzac, Jean Du Perron, profes­seur Royal, Jean de Rivas­son, Jean de Boys­sières, et de plusieurs autres. Ces pièces occupent douze pages, et tout ce qu’elles nous apprennent, c’est que Nuyse­ment était de Blois.

Le recueil des poé­sies est divi­sé en trois livres. Le pre­mier offre d’abord des Stances en faveur de l’Aca­dé­mie. Mais quelle était cette socié­té ? on ne l’explique point. Je vois seule­ment que le Duc d’Anjou, à qui ces Stances sont adres­sées, joi­gnait l’étude aux armes, et qu’il avait éta­bli quelque socié­té lit­té­raire, ou qu’il s’était décla­ré le pro­tec­teur de quelque com­pa­gnie qui sub­sis­tait déjà. Le Poète l’exhorte à conti­nuer d’accor­der sa pro­tec­tion à cette Aca­dé­mie, en lui expo­sant les avan­tages que se pro­cure un Prince ver­tueux et ami des lettres. Ce qu’il dit sur cela est bon ; mais je n’y vois rien de nou­veau, ni pour les pen­sées, ni pour le tour, quoique Du Verdier ait pris la peine de copier ces Stances dans sa Biblio­thèque.

Les autres pièces de ce pre­mier livre, sont : Les Gémis­se­ments de la France, au Roi : c’est la France qui se plaint elle-même des maux qu’elle souf­frait depuis vingt ans ; elle les décrit, et dis­court fort au long des dé­sordres de la guerre, et des avan­tages de la paix. Pallas, à Monsieur : cette Déesse expose encore les mêmes choses, et finit par exhor­ter le Duc d’An­jou, dont elle fait l’éloge, à mettre tout en œuvre pour ter­mi­ner les maux dont elle se plaint. Hymne à la For­tune : ce sont des vœux pour la pros­pé­ri­té de la France, où le Poète fait entrer quelques ins­truc­tions. Enfin, Ode Pin­da­rique, à Mon­sieur, sur ses Vic­toires, sui­vie de quelques autres Odes, de plu­sieurs Son­nets, et d’un Hymne, au Roi, sur la Paix.

Le second livre a pour titre, Amours. C’est un recueil de cent un Son­nets, où le Poète parle de l’Amour plus en méta­phy­si­cien qu’en homme du monde. Toutes les pen­sées sont fort com­munes, et les mêmes sont sou­vent répé­tées. Ces Sonnets sont sui­vis d’une Prière, de Stances, encore méta­phy­siques, sur l’Amour, d’un Dia­logue et d’une Ode.

Nuy­se­ment appelle divers poèmes ce qu’il a mis dans son troi­sième livre. Mais ne comp­tez pas y trou­ver ce que nous enten­dons com­mu­né­ment par ce nom. Tout ce que vous ver­rez ici se réduit à un Son­net à Made­moi­selle d’Atry ; à un Chant Pas­to­ral, sur l’amour, adres­sé à la même ; à la Méta­mor­phose du Figuier, à Madame de Sauve ; aux Reproches de Médée à Jason ; aux Enchan­te­ments du Sieur de Beaujoyeux. Il y a bien de l’extra­va­gance dans cette pièce. Si l’Au­teur ne peut se faire aimer de sa maî­tresse, il invo­que­ra Dieu, les Anges et les Saints, et se fera Moine ou Her­mite. S’il ne réus­sit pas, il appel­le­ra les Démons à son secours, et pra­ti­que­ra tous les enchan­te­ments qui lui seront pres­crits. Si après s’être tour­né de tous côtés, le suc­cès ne ré­pond pas à ses vœux, il mour­ra. Quelles folies ! […]

L’abbé GOUJET,
Bibliothèque française,
ou Histoire de la Litté­ra­ture fran­çaise,
tome XIII, 1752, pp. 201-204
[Gallica, NUMM-50656, PDF_227_230]
(texte modernisé).


Notes

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[1] La « vie » de Hesteau succède dans la Biblio­thèque de Goujet à celle de Jean de Boys­sières qui contient ces phrases : « Boys­sières avait lu les œuvres de Ron­sard, et celles de tous les Poètes qui jus­qu’à lui avaient chan­té leurs amours, et il s’était tel­le­ment gâté l’esprit par cette lec­ture plus dan­ge­reuse encore qu’inu­tile, qu’il n’aimait, qu’il n’esti­mait que les Poètes qui avaient trai­té des sujets si fri­voles. Il les rappelle tous les uns après les autres, il leur offre son encens, il est le pané­gy­riste de cha­cun ; et l’on peut regar­der ses poé­sies comme la Légende des Écri­vains d’amour. Ron­sard, Baïf, Jodelle, Pon­tus de Tyard, Nuy­se­ment, Des­portes, et vingt autres s’y trouvent fré­quem­ment nom­més et louan­gés, non comme Poètes seu­le­ment, mais comme poètes amou­reux. »


Mélabranche, Satan, Pharfarel, Mélabère,
Libicoq, Rubicant, Draguimel et Cerbère.
Pétrinace, Mellame, Esterliphocq, Rhémice,
Bure, Tarlagadan, Belfagor, Mélatel.


 

Comptes rendus de lecture

* On peut lire, de Michèle Clément, le compte rendu de lecture des Œuvres poé­tiques de Hesteau (livres I et II), édi­tion cri­tique par Roland Guillot pa­rue chez Droz en 1994, et le compte ren­du de lec­ture du livre III (Droz, 1996) publiés dans les numé­ros 40 en 2015 et 44 en 2017 de la revue Réforme, Huma­nisme, Renais­sance, en ligne sur Persée, por­tail de publi­ca­tion élec­tro­nique de revues scien­ti­fiques en sciences humaines et sociales.

Liens valides au 18/04/22.

Sur la vie et l’œuvre

* Une page Clovis Hesteau sur le site Sous la nuit brune consa­cré à la poésie manié­riste et baroque en France.

Liens valides au 18/04/22.



Et l’espoir m’entretient

au brasier de ma glace




En ligne le 12/12/04.
Dernière révision le 18/04/22.