À chaque poète sa dame
Le Préam­bule des
innom­brables
Poitiers, Marnef et Bouchet, 1554, LXXVI, pp. 90-91 [←Gallica].

Si d’un Horace, ou Catulle qui dore
Ses vers mignardz d’un or delicieux,
Si d’un Properce en vers industrieux,
Si d’un Ovide ou d’un Orphée encore,

Si d’un Tibulle, ou d’un Toscan qu’honore
Tout brave esprit hautement curieux,
Si d’un Ronsard, Bellay ingénieux,
Si d’un Baïf mes vers sont vaincus ore,

Lalage aussi, Lesbie et la Cynthie,
Corinne belle, Euridice et Delie,
Laure, Cassandre, Olive et la Meline,

Perdent adonc de la beauté le prix,
Par celle là qu’admirent mes espriz,
En deité plus que les Dieux divine.

Lyon, Jean de Tournes, 1555, IX, p. 115 [←Gallica].

En la froideur de ton cristal gelé,
En feu viuant dens ma moëlle tendre,
Tu vaincs Denise, & Oliue, & Cassandre
Ie vainc Vandome, Aniou, & le Pulé.

C’est trop, ma Nymphe, helas, c’est trop brulé.
Ce mien, tien cœur, ce mien cœur est en cendre:
Et cest esprit que ie soulois dependre
A t’adorer, de moy s’est escoulé.

Melline, estreinte en l’amoureus lien,
Rend plus mielleus l’esprit Catulien
Au vers mignard de son heureus Baïf.

Donq adouci la rigueur qui me touche:
Car si ie voy ta beauté moins farouche,
Ie te peindray d’un pinçeau plus naïf.

Poitiers, Marnef & Boucher, 1555, « À Muret », p. 130 [←Gallica].

CAssandre vit, & viura par les vers

De son Ronsard : par du Belai l’Olive
Apres sa mort encores sera viue,
Et son renom semé par l’vniuers.

Les mots mignars, les baiserets diuers
Diuersement par Meline Baïve
Pris & donnés, auront grace naïue,
Tant que serons du Ciel vouté couuers.

Maugré le Tans, maugré dépite Enuie
Ta Margverite, ô Mvret, aura vie,
Et de bien pres ces trois autres suiura.

Et que sait on, si comme la plus dine
Plus que Cassandre, & Olive, & Meline
Ta Margverite heureusement viura ?

Lyon, Jean Temporal, 1557, sonnet I, p. 10 [←Gallica].

Macrin sa Gelonis rend par vers immortele,
Pontus sa Pasitee, et Ronsard sa Cassandre:
Du bellay le los fait de son Oliue entendre,
Eternise Muret sa Margaris fidele.

Sa Sainte Des-autels desire toute tele,
Que ses freres diuins, leurs gracieuses rendre.
Les dames sont l’obiet de la ieunesse tendre
Par nombres mesurez qui ses amours decele.

Ie vueil, comme Baïf celebrant sa Meline,
Perpetuer ma belle et docte Gelasine,
De Sceue en imitant les traits en sa Delie.

Or d’autant qu’elle est sage, et de vertus poruuë
Par vraye hypotipose aus yeus et à la vuë
Des hommes, là pretend subiicer ma Thalie.

Paris, Chesneau & Patisson, 1574, Amours, XLI, f° 11r° [←Gallica].

Sapphon la docte Grecque, à qui Phaon vint plaire,
Chantant ses feus, de Muse acquesta le surnom:
Corinne vraye ou faulse aux vers a pris renom,
Dont le Romain Ouide a voulu la pourtraire.

Petrarque Italien, pour vn Phebus se faire,
De l’immortel laurier alla choisir le nom:
Nostre Ronsard François ne tasche aussi sinon
Par l’amour de Cassandre vn Phebus contrefaire.

Si tu daignes m’aimer, Delie, si tu veux
Chanter ta flamme ainsi que docte tu le peux:
Si ie chante, Delie, vn pris nous pourrons prendre,

En hautesse d’amour, en ardeur, & en art,
Sur Sapphon, sur Ouide, & Petrarque, & Ronsard,
Sur Phaon, & Corinne, & sur Laure, & Cassandre.

Paris, Jean Poupy, 1578, « À La Gessée », ff. 72v°-73r° [←Gallica].

Ronsard pour sa Cassandre est tout semé de pleurs,
Du Bellay pour Oliue à toute heure se pame,
Pour Francine Baïf est sans poux & sans ame,
La Bergere entretient son Belleau de rigueurs.

LAVAL pour Ysabelle est remply de douleurs,
Ypolit’ d’ennemys son desPortes entame:
Pour Siluie mon cœur de maints regrets s’enflamme,
Pollye te repaist de cent mille langueurs.

Ie suis esmerueillé comment il se peut faire
Chacune à son pays l’vn à l’autre contraire:
Differentes humeurs d’vn diuers Orison:

Et nonobstant qu’ainsi elles soient dissemblables,
De toutes neantmoins les vouloirs sont semblables:
Ie te pri’ dy moy donc quelle en est la raison.

Anvers, Ch. Plantin, 1583, La Marguerite, II, p. 871 [←Gallica].

Qve n’ay-ie les accordz du Cygne de Florance !
En los ie vous fairois sa Nymphe esgaliser :
Ie vous fairois encor d’age en age priser,
Ainsi qu’vn Vandomoys, parmy toute la France.

Cil qui nay dans Venise, & des sa tendre enfance
Se vid icy conduire, & naturaliser,
Ne sçauroit mieus que moy vous immortaliser :
Non le Harpeur d’Anjou, tesmoing de sa souffrance.

Ore mon tard destin me monstre aprez ceus-cy !
Ne pouuant toutesfois vous postposer icy
A Laure, & à Cassandre, à Francine, & l’Oliue.

Si donc i’ay quelque honneur, c’est par vous que ie l’ay:
Vous dy-ie qui serez d’vne ardeur plus naïue
Mon Petrarque, & Ronsard, mon Bayf, & Bellay.

La Jeunesse, et sa suite, Les Jeux poétiques,
Paris, Jean Petit-pas, 1610, II, Liberté, XIII, p. 399 [←Gallica].

Que Laure soit de Petrarque le dard,
Que la Lesbie en mon Catulle viue,
Que pour Corine Ouide encor’ escriue
Tout ce que peut luy enseigner son art.

Que la Cassandre ait honneur par Ronsard,
Que du Bellay mignarde sur la riue
Du petit Loir, les graces de l’Oliue,
Que Pasithée ait vogue par Thiart.

Pour ne tenir mes pensements en friche,
Ores la pauure, ores i’ayme la riche,
Ores la vieille, ores la ieune d’ans.

Et pourquoy doncq’ me sera-ce impropere,
Si nous voions en mesme temps vn pere
Royallement aimer tous ses enfants ?

























Lyon, Jean de Tournes, 1555, IX, p. 115 [←Gallica].

En la froideur de ton cristal gelé,
En feu viuant dens ma moëlle tendre,
Tu vaincs Denise, & Oliue, & Cassandre
Ie vainc Vandome, Aniou, & le Pulé.

C’est trop, ma Nymphe, helas, c’est trop brulé.
Ce mien, tien cœur, ce mien cœur est en cendre:
Et cest esprit que ie soulois dependre
A t’adorer, de moy s’est escoulé.

Melline, estreinte en l’amoureus lien,
Rend plus mielleus l’esprit Catulien
Au vers mignard de son heureus Baïf.

Donq adouci la rigueur qui me touche:
Car si ie voy ta beauté moins farouche,
Ie te peindray d’un pinçeau plus naïf.

Poitiers, Marnef & Boucher, 1555, « À Muret », p. 130 [←Gallica].

CAssandre vit, & viura par les vers

De son Ronsard : par du Belai l’Olive
Apres sa mort encores sera viue,
Et son renom semé par l’vniuers.

Les mots mignars, les baiserets diuers
Diuersement par Meline Baïve
Pris & donnés, auront grace naïue,
Tant que serons du Ciel vouté couuers.

Maugré le Tans, maugré dépite Enuie
Ta Margverite, ô Mvret, aura vie,
Et de bien pres ces trois autres suiura.

Et que sait on, si comme la plus dine
Plus que Cassandre, & Olive, & Meline
Ta Margverite heureusement viura ?

Lyon, Jean Temporal, 1557, sonnet I, p. 10 [←Gallica].

Macrin sa Gelonis rend par vers immortele,
Pontus sa Pasitee, et Ronsard sa Cassandre:
Du bellay le los fait de son Oliue entendre,
Eternise Muret sa Margaris fidele.

Sa Sainte Des-autels desire toute tele,
Que ses freres diuins, leurs gracieuses rendre.
Les dames sont l’obiet de la ieunesse tendre
Par nombres mesurez qui ses amours decele.

Ie vueil, comme Baïf celebrant sa Meline,
Perpetuer ma belle et docte Gelasine,
De Sceue en imitant les traits en sa Delie.

Or d’autant qu’elle est sage, et de vertus poruuë
Par vraye hypotipose aus yeus et à la vuë
Des hommes, là pretend subiicer ma Thalie.

Paris, Chesneau & Patisson, 1574, Amours, XLI, f° 11r° [←Gallica].

Sapphon la docte Grecque, à qui Phaon vint plaire,
Chantant ses feus, de Muse acquesta le surnom:
Corinne vraye ou faulse aux vers a pris renom,
Dont le Romain Ouide a voulu la pourtraire.

Petrarque Italien, pour vn Phebus se faire,
De l’immortel laurier alla choisir le nom:
Nostre Ronsard François ne tasche aussi sinon
Par l’amour de Cassandre vn Phebus contrefaire.

Si tu daignes m’aimer, Delie, si tu veux
Chanter ta flamme ainsi que docte tu le peux:
Si ie chante, Delie, vn pris nous pourrons prendre,

En hautesse d’amour, en ardeur, & en art,
Sur Sapphon, sur Ouide, & Petrarque, & Ronsard,
Sur Phaon, & Corinne, & sur Laure, & Cassandre.

Paris, Jean Poupy, 1578, « À La Gessée », ff. 72v°-73r° [←Gallica].

Ronsard pour sa Cassandre est tout semé de pleurs,
Du Bellay pour Oliue à toute heure se pame,
Pour Francine Baïf est sans poux & sans ame,
La Bergere entretient son Belleau de rigueurs.

LAVAL pour Ysabelle est remply de douleurs,
Ypolit’ d’ennemys son desPortes entame:
Pour Siluie mon cœur de maints regrets s’enflamme,
Pollye te repaist de cent mille langueurs.

Ie suis esmerueillé comment il se peut faire
Chacune à son pays l’vn à l’autre contraire:
Differentes humeurs d’vn diuers Orison:

Et nonobstant qu’ainsi elles soient dissemblables,
De toutes neantmoins les vouloirs sont semblables:
Ie te pri’ dy moy donc quelle en est la raison.

Anvers, Ch. Plantin, 1583, La Marguerite, II, p. 871 [←Gallica].

Qve n’ay-ie les accordz du Cygne de Florance !
En los ie vous fairois sa Nymphe esgaliser :
Ie vous fairois encor d’age en age priser,
Ainsi qu’vn Vandomoys, parmy toute la France.

Cil qui nay dans Venise, & des sa tendre enfance
Se vid icy conduire, & naturaliser,
Ne sçauroit mieus que moy vous immortaliser :
Non le Harpeur d’Anjou, tesmoing de sa souffrance.

Ore mon tard destin me monstre aprez ceus-cy !
Ne pouuant toutesfois vous postposer icy
A Laure, & à Cassandre, à Francine, & l’Oliue.

Si donc i’ay quelque honneur, c’est par vous que ie l’ay:
Vous dy-ie qui serez d’vne ardeur plus naïue
Mon Petrarque, & Ronsard, mon Bayf, & Bellay.

La Jeunesse, et sa suite, Les Jeux poétiques,
Paris, Jean Petit-pas, 1610, II, Liberté, XIII, p. 399 [←Gallica].

Que Laure soit de Petrarque le dard,
Que la Lesbie en mon Catulle viue,
Que pour Corine Ouide encor’ escriue
Tout ce que peut luy enseigner son art.

Que la Cassandre ait honneur par Ronsard,
Que du Bellay mignarde sur la riue
Du petit Loir, les graces de l’Oliue,
Que Pasithée ait vogue par Thiart.

Pour ne tenir mes pensements en friche,
Ores la pauure, ores i’ayme la riche,
Ores la vieille, ores la ieune d’ans.

Et pourquoy doncq’ me sera-ce impropere,
Si nous voions en mesme temps vn pere
Royallement aimer tous ses enfants ?

























textes originaux
[R]

 

En ligne le 08/02/18.
Dernière révision le 11/08/19.