Pierre de RONSARD (1524-1585)
Paris, veuve Maurice de La Porte, 1553.

[…] 

Un grand rocher qui a le dos,
Et les pieds toujours outragés,
Ore des Vents, ore des flots
Contre les rives enragés,
N’est point si ferme que mon cœur
Sous l’orage d’une rigueur.

Car lui de plus en plus aimant
Les beaux yeux qui l’ont enrété,
Semble du tout au Diamant
Qui pour garder sa fermeté,
Se rompt plutôt sous le marteau,
Que se voir tailler de nouveau.

Ainsi ni l’or qui peut tenter,
Ni grâce, beauté, ni maintien,
Ne sauraient dans mon cœur enter
Un autre portrait que le tien,
Et plutôt il mourrait d’ennui
Que d’en souffrir un autre en lui.

Il ne faut donc pour empêcher
Qu’une autre dame en ait sa part,
L’environner d’un grand rocher,
Ou d’une fosse, ou d’un rempart,
Amour te l’a si bien conquis,
Que plus il ne peut être acquis.

Chanson, les étoiles seront
la nuit, sans les cieux allumer,
Et plutôt les vents cesseront
De tempêter dessus la mer
Que de ses yeux la cruauté
Puisse amoindrir ma loyauté.

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de Muret

Las, je n’eusse ja­mais pen­sé [pre­mier vers de la chan­son dont manquent ci-contre les sept pre­mières strophes].) Il se plaint de la cruau­té de sa dame, et des yeux qui furent cause de sa prise : assu­rant tou­te­fois, quoi qu’elle fasse, qu’il sera cons­tant jusqu’à la mort. Grande par­tie de cette chan­son est tirée d’une lettre de Bra­da­mant, qui est au quarante-quatrième chant de l’Arioste.
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[texte modernisé]
[R]

 
 

En ligne le 16/01/11.
Dernière révision le 08/03/21.