Charles FONTAINE (1514-v. 1570)
Mon petit fils…
Lyon, Thibauld Payan, 1555.

MOn petit fils qui n’as encor rien vu,
À ce matin ton père te salue :
Viens-t’en, viens voir ce monde bien pourvu
D’honneurs et biens, qui sont de grand value :
Viens voir la paix en France descendue :
Viens voir François, notre Roi, et le tien,
Qui a la France ornée, et défendue :
Viens voir le monde où y a tant de bien.
 

Viens voir le monde, où y a tant de maux,
Viens voir ton père en procès, et en peine :
Viens voir ta mère en douleurs, et travaux,
Plus grands que quand elle était de toi pleine :
Viens voir ta mère, à qui n’as laissé veine
En bon repos : viens voir ton père aussi,
Qui a passé sa jeunesse soudaine,
Et à trente ans est en peine et souci.
 

Jean, petit Jean, viens voir ce tant beau monde,
Ce ciel d’azur, ces étoiles luisantes,
Ce Soleil d’or, cette grand terre ronde,
Cette ample mer, ces rivières bruyantes,
Ce bel air vague, et ces nues courantes,
Ces beaux oiseaux qui chantent à plaisir,
Ces poissons frais, et ces bêtes paissantes :
Viens voir le tout à souhait, et désir.
 

Viens voir le tout sans désir, et souhait,
Viens voir le monde en divers troublements,
Viens voir le ciel, qui jà la terre hait,
Viens voir combat entre les éléments,
Viens voir l’air plein de rudes soufflements,
De dure grêle et d’horribles tonnerres :
Viens voir la terre en peine et tremblements :
Viens voir la mer noyant villes, et terres.
 

Enfant petit, petit et bel enfant,
Mâle bien fait, chef-d’œuvre de ton père,
Enfant petit en beauté triomphant,
La grand liesse, et joye de ta mère,
Le ris, l’ébat de ma jeune commère,
Et de ton père aussi certainement
Le grand espoir, et l’attente prospère,
Tu sois venu au monde heureusement.
 

Petit enfant peux-tu le bienvenu
Être sur terre, où tu n’apportes rien ?
Mais où tu viens comme un petit ver nu ?
Tu n’as ni drap, ni linge qui soit tien,
Or, ni argent, n’aucun bien terrien :
À père et mère apportes seulement
Peine et souci : et voilà tout ton bien.
Petit enfant tu viens bien pauvrement.
 

De ton honneur ne veuil plus être chiche,
Petit enfant de grand bien jouissant,
Tu viens au monde aussi grand, aussi riche
Comme le Roi, et aussi florissant.
Ton Trésorier c’est Dieu le tout-puissant,
Grâce divine est ta mère nourrice :
Ton héritage est le ciel splendissant :
Tes serviteurs sont les Anges sans vice.

On peut cliquer sur certains mots pour voir les épithètes de Maurice de La Porte
 
 

MOn petit fils qui n’as encor rien vu,
À ce matin ton père te salue :
Viens-t’en, viens voir ce monde bien pourvu
Dhonneurs et biens, qui sont de grand value :
Viens voir la paix en France descendue :
Viens voir François, notre Roi, et le tien,
Qui a la France ornée, et défendue :
Viens voir le monde où y a tant de bien.
 

Viens voir le monde, où y a tant de maux,
Viens voir ton père en procès, et en peine :
Viens voir ta mère en douleurs, et travaux,
Plus grands que quand elle était de toi pleine :
Viens voir ta mère, à qui n’as laissé veine
En bon repos : viens voir ton père aussi,
Qui a passé sa jeunesse soudaine,
Et à trente ans est en peine et souci.
 

Jean, petit Jean, viens voir ce tant beau monde,
Ce ciel d’azur, ces étoiles luisantes,
Ce Soleil d’or, cette grand terre ronde,
Cette ample mer, ces rivières bruyantes,
Ce bel air vague, et ces nues courantes,
Ces beaux oiseaux qui chantent à plaisir,
Ces poissons frais, et ces bêtes paissantes :
Viens voir le tout à souhait, et désir.
 

Viens voir le tout sans désir, et souhait,
Viens voir le monde en divers troublements,
Viens voir le ciel, qui jà la terre hait,
Viens voir combat entre les éléments,
Viens voir l’air plein de rudes soufflements,
De dure grêle et d’horribles tonnerres :
Viens voir la terre en peine et tremblements :
Viens voir la mer noyant villes, et terres.
 

Enfant petit, petit et bel enfant,
Mâle bien fait, chef-d’œuvre de ton père,
Enfant petit en beauté triomphant,
La grand liesse, et joye de ta mère,
Le ris, l’ébat de ma jeune commère,
Et de ton père aussi certainement
Le grand espoir, et l’attente prospère,
Tu sois venu au monde heureusement.
 

Petit enfant peux-tu le bienvenu
Être sur terre, où tu n’apportes rien ?
Mais où tu viens comme un petit ver nu ?
Tu n’as ni drap, ni linge qui soit tien,
Or, ni argent, n’aucun bien terrien :
À père et mère apportes seulement
Peine et souci : et voilà tout ton bien.
Petit enfant tu viens bien pauvrement.
 

De ton honneur ne veuil plus être chiche,
Petit enfant de grand bien jouissant,
Tu viens au monde aussi grand, aussi riche
Comme le Roi, et aussi florissant.
Ton Trésorier c’est Dieu le tout-puissant,
Grâce divine est ta mère nourrice :
Ton héritage est le ciel splendissant :
Tes serviteurs sont les Anges sans vice.

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En ligne le 27/09/05.
Dernière révision le 16/01/22.